Un plongeon dans les eaux Picasso

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 369 mots

 Picasso est un génie. Un génie dont l’envergure protéiforme interdit toute prétention à l’exhaustivité. Quand son nom n’ouvre pas le sous-titre d’une exposition, c’est qu’il le ferme. Alpha et oméga de l’art du xxe siècle ? En tout cas garantie de succès. C’est l’apanage des génies, parfois aussi des marques. D’où des expositions déclinant la production de l’Espagnol avec de subtiles variantes et variations. Mais à vouloir affronter la montagne Picasso, on est nécessairement condamné à n’opter que pour un versant, laissant dans l’ombre d’autres déclivités passionnantes, parfois plus ardues.
Le musée de l’Annonciade n’aurait pu être qu’une énième, et donc anodine, ascension. Or, interrogeant les rapports que Picasso entretint avec la Méditerranée, l’institution parvient à éviter l’écueil du funambule. La production est certes vertigineuse, mais le propos n’est pas vide. Loin de là. Nourrie d’une centaine de pièces issues de prestigieuses collections internationales, l’exposition étudie les œuvres d’un Picasso magnétisé par le Sud, écumant les perles de la côte d’Azur tel un marin… avec plusieurs femmes dans chaque port.
Juan-les-Pins, Antibes, Cannes : dès ses débuts, Picasso peint la mer et ce(ux) qu’elle brasse. Les premiers paysages cubistes sont exaltés par une couleur irradiante. Les reflets deviennent des prismes, les pins des polyèdres verts. L’artiste compose à l’écart sa précieuse alchimie de la modernité. Mais bientôt la Méditerranée est un rêve rendu possible et non plus le songe de brèves nuits d’été. Un rêve qu’il s’offre avec les résidences de Vallauris et de Cannes et le château de Vauvenargues.
La Méditerranée picassienne est avant tout une idée. Celle d’un paradis arcadien où s’entremêlent minotaures et centaures, joyeuseté et tragique, voluptés marines et corridas sanguines. Sa céramique incarne cette Antiquité exhumée et excédée par une mythologie toute personnelle dont le Vase femme et le Pichet Picador montrent les deux versants, solaire et lunaire.
Picasso, à son tour, magnétise. Artistes et touristes viennent courtiser ce démiurge au torse nu, pied de nez à la société du spectacle. Quoique… Improvisé acteur du film de Clouzot primé à Cannes en 1955, n’acheta-t-il pas, la même année, une villa du nom de… « Californie » ?

« Picasso en Méditerranée », musée de l’Annonciade, place Grammont, Saint-Tropez (83), tél. 04 94 17 84 10, du 7 juillet au 15 octobre 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Un plongeon dans les eaux Picasso

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