Plus qu’un photographe, un raconteur d’histoires

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 31 juillet 2007 - 538 mots

À travers la photographie de faits divers, Weegee a porté un regard aiguisé sur le New York noir des années 1930. Un regard porteur d’une histoire sociale, parfois drôle, souvent tragique.

« Mon appareil photo était toute ma vie, mon amour, mon unique sésame », écrit Weegee dans l’ouvrage en forme d’autoportrait qu’il publie en 1961. Né Usher Fellig en 1899, dans une ville aujourd’hui en Ukraine, Weegee a tout d’abord changé de prénom — se faisant appeler Arthur —, sa famille de confession juive s’exilant à New York en 1910.
De condition modeste, celle-ci s’installe à Ellis Island, le quartier de tous les immigrés. Pour subvenir aux besoins familiaux, Weegee est obligé d’interrompre très tôt ses études et de faire toutes sortes de petits boulots, une façon d’entrer pleinement dans la vie.

Opérateur de chambre noir, il devient reporter indépendant
Un beau jour, pris en photo dans la rue par un photographe ambulant, Weegee a le déclic et cela lui donne l’idée de faire de même. Équipé d’un appareil d’occasion, il se met à photographier les enfants endimanchés des familles bourgeoises. À dix-huit ans, il s’engage dans une aventure pleinement professionnelle tout d’abord marquée par un vagabondage et une errance qui détermineront son style.
Embauché dans un studio où il apprend les différentes techniques de développement, il entre à vingt-quatre ans à l’agence Acme Newspictures comme opérateur de chambre noire, couvrant lui-même en cas d’urgence certains événements urbains. Ses photos ayant beaucoup de succès, il est finalement engagé à plein temps comme photographe d’autant qu’il semble anticiper là même où cela va se passer.
Au fil du temps, Weegee trouve insupportable le fait que ses images ne lui appartiennent pas, aussi, en 1935, décide-t-il de devenir indépendant.

La frontière entre art et photojournalisme
L’époque est au photojournalisme et l’artiste va y apporter sa pierre. Sa passion de la nuit et son intérêt pour le fait divers en feront la figure incontournable d’une photographie du New York noir des années 1930-1940. Pour cinq dollars l’épreuve, il fournit aux quotidiens et revues des images à nulles autres pareilles. Ses clients se multiplient : Herald Tribune, The Daily Mirror, New York Daily News, Life, Vogue, The Sun, etc.
Weegee qui ne croit qu’en l’instantané impose un style, fixe sur la pellicule le quotidien d’une Amérique dépressive, portant sur le monde des déshérités une attention particulière. Opérant toujours de façon instinctive, il se fait malgré lui le photographe d’une histoire sociale dont les images sont parfois perçues comme celles d’un voyeur avide de sensationnel. Aussi son exposition au MoMA à New York en 1943 aiguise-t-elle le débat entre photo choc et photo artistique.
Dans les années d’après-guerre, Weegee s’intéresse au cinéma. Il travaille à Hollywood comme acteur ou comme conseiller technique, spécialement sur des films policiers. De 1960 à sa mort en 1968, Weegee revient à la photographie, curieux d’expérimenter formats et genres, réalisant d’admirables photos de nus. Mais c’est son travail des années 1930 qui assure sa fortune critique, notamment aux yeux d’un artiste comme Warhol. 

Autour de l’exposition

Informations pratiques « Weegee », jusqu’au 15 octobre 2007. Musée Maillol, 61, rue de Grenelle, Paris VIIe. Ouvert tous les jours de 11 h à 18 h sauf le mardi. Tarifs”‰: 8”‰€ et 6”‰€, tél. 01 42 22 59 58.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°593 du 1 juillet 2007, avec le titre suivant : Plus qu’un photographe, un raconteur d’histoires

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