Lucien Clergue…

en attendant l’Arlésien

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 juillet 2007 - 698 mots

La reconnaissance est venue des académiciens qui l’ont élu, en mai 2006, parmi leurs pairs. Depuis, on attendait l’exposition qui allait porter aux nues Lucien Clergue. C’est chose faite à Arles.

Si tous les chemins mènent à Rome, ceux empruntés par Clergue conduisent inévitablement à Arles. C’est là qu’il crée en 1969 les Rencontres internationales de la photographie, « la » mecque de l’image fixe. Là encore qu’il impulse la création du fonds photo du musée Réattu (1965) et celle de l’École nationale de la photographie (1982).

Aujourd’hui, c’est au tour de la cité romaine de renvoyer l’ascenseur à l’enfant du pays en présentant sa plus importante rétrospective – 300 photos – jamais montrée en France. Comble de cet hommage tardif, mais légitime : l’exposition se tient à l’espace Van Gogh, l’ancien Hôtel-Dieu où fut interné le peintre en 1889 et où naquit Clergue en 1934.

Picasso, Cocteau, Éluard, Seghers, son « carré d’as »
L’histoire et­ la légende commencent en 1953 avec la rencontre de Picasso. À la sortie des arènes d’Arles, le jeune homme interpelle le peintre et lui déballe ses premiers travaux. « Il s’agissait déjà de surimpressions », remarque Clergue, procédé dont il s’est fait une spécialité depuis les années 1990.
Picasso l’encourage sans savoir alors qu’il deviendra l’ami, le « parrain » et le sauveur. « Un jour, raconte-t-il, Pablo me fixe du regard et me conseille de consulter un médecin. Perplexe, je prends rendez-vous. Stupeur ! On m’annonce que j’avais un pistolet chargé dans le ventre, et je ne le savais pas. » L’arme est une péritonite aiguë.

Avec Picasso, il partage la passion du corps féminin, de la tauromachie et des saltimbanques. En 1957, Clergue illustre de ses nus Corps mémorable, son premier livre et son « carré d’as » : poèmes d’Éluard, couverture de Picasso – toujours – et préface de Cocteau aux éditions Seghers. Rien de moins ! « Pierre Seghers m’a avoué qu’il espérait que le scandale fasse parler du livre. » Mais le cancan ne vient pas et les nus de Clergue passent au travers des filets de la censure. « La jurisprudence qui stipulait “là où il y a le poil il ne faut pas la tête, et inversement”, ne s’appliquait pas à mes cadrages serrés », raconte amusé le photographe.

D’autres cautions jalonnent la carrière de Lucien Clergue : Edward Steichen qui le fait entrer en 1960 au MoMA, Marcel Breuer qui lui offre le Rolleiflex du Bauhaus, Ansel Adams, Roland Barthes… Plus récemment, l’Académie française l’a même honoré d’une « élection de maréchal ». Comme un dernier pied de nez à ceux qui l’imaginaient davantage à L’Académie des neuf…

Clergue l’académicien

Élu académicien au premier fauteuil de la 8e et nouvelle section photographie en mai 2006, Lucien Clergue sera intronisé à l’Académie française à la rentrée 2007-2008. Si le second académicien Yann Arthus-Bertrand a voulu son épée « molle et pas pointue » (lire L’œil n°585), Clergue a choisi d’inscrire sur son attribut une citation de Joseph Delteil : « Aujourd’hui, l’œil est le prince du monde ».

Amateurs de corrida

Début septembre, Triptyque des ombres, publié p.82 de notre portfolio, sera reproduit sur le sable des arènes d’Arles. Cette œuvre éphémère inaugurera la Feria du riz et sa « corrida goyesque », un spectacle annuel empreint des rituels du XIXe siècle. L’hommage fait à Lucien Clergue succède à ceux rendus à Christian Lacroix (2005) et à Jean-Paul Chambas (2006).

Pour en savoir plus

Lucien Clergue, muses et musées
2007, disponible à la galerie Patrice Trigano, 10 €. Après l’exposition de l’académicien Yann Arthus-Bertrand chez Patrick Bongers à ArtParis 2006, c’était à Lucien Clergue d’exposer chez Patrice Trigano à ArtParis 2007. À cette occasion, le galeriste de la rue des Beaux-Arts, tout près de l’Institut de France, a édité un catalogue des surimpressions du photographe, accompagnées d’un écrit de Fernando Arrabal. « Lucien Clergue, pour parvenir à la photographie, aurait pu vendre son corps ou son âme aux chiens de feu », dit le texte…

Phénixologie : tournage du film « Le testament d’Orphée » par Jean Cocteau
Lucien Clergue, Actes Sud, 2003, 188 p., 39 €. Ce très bel ouvrage publie les photographies réalisées en 1959 par Clergue sur le tournage du film de Cocteau. Un excellent moyen de patienter en attendant la parution de la biographie du photographe aux éditions de La Martinière, à la rentrée 2007.

Informations pratiques

« Lucien Clergue, né photographe », jusqu’au 10 juin 2007. Commissaire”‰: Michèle Moutashar. Espace Van Gogh, place Felix-Rey, Arles (13). Ouvert tous les jours de 13 h à 19 h et le vendredi jusqu’à 22 h. Tarif plein”‰: 3 €. Tél. 04”‰90”‰18”‰41”‰20, www.ville-arles.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Lucien Clergue…

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