Bustamante et Ruscha, dialogue à l’horizon…

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 23 juillet 2007 - 380 mots

Le premier, Français né en 1952, s’est imposé à la veille des années 1980 par un travail photographique qui déplaça les enjeux de ce médium de façon décisive. Réalisées à la chambre, tirées en grands formats et en couleur, les prises de vue de paysages et d’architectures, sans qualité ni hiérarchie de sujets, basculaient la photographie dans le champ du tableau. Le second, Américain né en 1937, commence à enregistrer ce qui « attire son regard » dès 1961 dans le sillage décomplexé de Robert Franck ou Eugène Atget. L’exposition qui réunit Bustamante et Ruscha à Strasbourg ne s’apparente pourtant en rien à une conversation autour de la photographie. Ni l’un ni l’autre n’y installant au fond leur programme artistique. Bustamante étend très vite le théâtre de ses opérations. Objets et sculptures sont bientôt suivis de reliefs muraux, sérigraphies, jeux de lumière et de transparence par l’irruption de plaques de Plexiglas libérant les murs qui entrent dans la danse. Les Panoramas (2000) enfoncent le clou, qui reportent par sérigraphie comme des découpes de dessins abstraits vivement colorés sur la surface vitrée.

Quant à la pratique photographique d’Ed Ruscha, elle est presque toujours précédée de modèles de conception. Soit qu’un petit livre d’artiste détermine le processus, soit que les photos sont relevées dans le quotidien urbain comme une collecte de motifs sans qualités esthétiques intrinsèques à reporter sur ses toiles, soit qu’il lui emprunte une manière de regarder.

Alors ? Que se disent ces deux-là ? Jean-Pierre Criqui, commissaire de l’exposition, tranche en affinant le tête-à-tête. L’exposition strasbourgeoise rejouera bien le parcours des deux artistes, écriture, livres, sculptures, grands panneaux peints, tableaux de mots et photographies compris. Mais c’est par l’horizon, le paysage et sa permanence que s’engage le dialogue entre les deux artistes. Par « l’exploration de la dimension horizontale » chez l’un comme chez l’autre. Chez Ruscha, alternent mots centrés sur la toile, longue séquence photographique mettant à plat une série de stations d’essence pour le livre Twentysix Gasoline Stations. Chez Bustamante l’horizon se fait plus métaphorique ou désenchanté. Un dialogue qui devrait rappeler que c’est aussi avec l’histoire de l’art que ces deux-là sont en cours de négociation.

« L’Horizon chimérique, Ed Ruscha-Jean-Marc Bustamante »

musée d’Art moderne et contemporain, 1, place Hans-Jean-Arp, Strasbourg (67), tél. 03 88 23 31 31, jusqu’au 9 septembre 2007, www.musees-strasbourg.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°592 du 1 juin 2007, avec le titre suivant : Bustamante et Ruscha

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