Gregory Forstner

La « Nice » peinture

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 23 juillet 2007 - 598 mots

 Dès qu’il le peut, il s’habille d’un short, d’un tee-shirt et de sandalettes de cuir. Non qu’il veuille se la jouer artiste bohême, mais Gregory Forstner adore le soleil. Il n’en est d’ailleurs pas privé car il vit et travaille à Nice, c’est dire si la plupart du temps il arbore sa tenue préférée.
Né au Cameroun en 1975 d’un père autrichien et d’une mère française, étudiant successivement aux Beaux-Arts de Vienne, puis de Paris et enfin de la Villa Arson, il a tôt fait de prendre accent et look de la Côte. Grand et mince, le teint le plus souvent basané, les cheveux blonds en boucles généreuses, les lunettes de soleil volontiers sur le nez et le pas lentement balancé, Forstner semble même en avoir la nonchalance infuse.

Impressions d’Afrique
Mais s’il a l’air ainsi décontracté, il n’en est pas moins profondément soucieux. Le choix qu’il a fait de la peinture n’y est pas étranger. Il se souvient des difficultés rencontrées à soutenir un tel engagement alors que règnent vidéo et photo, mais que faire d’autre quand on y trempe corps et âme et que, pour le dire, c’est elle qui vous a choisi et non l’inverse ?!
Aussi, sous des allures apparemment légères, Gregory Forstner est-il tourmenté. Le regard qu’il porte sur le monde y contribue d’autant. Il suffit de regarder sa peinture pour le mesurer. Tout s’y joue entre drôlerie et dérision, entre humour et grincement de dents, entre carnaval et tragédie, dans cette façon si personnelle qu’il a de chercher à nous offrir une image du « monde à l’envers », de « fête à l’envers ». C’est, qu’à l’art du paradoxe, Gregory Forstner est passé maître, notamment dans la façon de brosser de la nature humaine une galerie de portraits décalés, puisant ses modèles à la source de l’histoire de l’art pour les remodeler à sa propre sauce.
Si rien ne suinte dans son travail de quelques « Impressions d’Afrique » que ce soit, il n’est pas dit toutefois que Raymond Roussel serait resté insensible à sa manière. Il y a en effet quelque chose chez cet artiste d’une décontraction impertinente mêlée à un sens aigu de la brocarde qui aurait rendu curieux l’écrivain. Quelque chose de même nature que cette « sensation de soleil moral » que ce dernier disait rechercher. Les peintures de Gregory Forstner rayonnent d’une lumière vive qui nous invite à jeter un regard neuf sur le monde. Elles sont fortes d’une iconographie qui revisite le genre humain : soit qu’il le fasse défiler sous des traits qui soulignent ses accents grotesques, comme le fait Kusturica ; soit qu’il le mette en jeu dans des saynètes où l’homme se substitue à l’animal, dans le style de celles gravées jadis par Grandville.
Fou de peinture, de l’ancienne comme de l’actuelle, Gregory Forstner compte parmi les artistes de cette jeune génération qui se moque bien des discours sur la prétendue obsolescence de ce médium. Comme ses congénères et complices, il sait non seulement l’extrême jubilation qu’il y a à l’exercer, mais quel mode de pensée prospectif il est. « La peinture est une île dont je n’ai fait que côtoyer les bords », disait en son temps Chardin. L’approcher, c’est là un vrai projet. Tel est le sien.

Biographie

1975 Naissance de Gregory Forstner à Douala, au Cameroun. 1993 Suit les cours de l’académie des beaux-arts de Vienne. 1994 Gregory entre à la Villa Arson à Nice. Premier prix du festival Jeune Talent de Cagnes-sur-Mer. 1999-2000 Beaux-Arts de Paris. 2002 Résidence d’artiste à Berlin. 2003 Première exposition personnelle à la galerie Jocelyn Wolff, à Paris. 2006 Résidence d’artiste à New York. 2007 Vit et travaille à Nice.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°592 du 1 juin 2007, avec le titre suivant : Gregory Forstner

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