Céramique

Fontana à la source

Les céramiques de Fontana exposées chez Karsten Greve confirment leur influence sur sa peinture.

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 25 avril 2012 - 519 mots

PARIS - La céramique n’est pas un aspect très connu de l’œuvre de Lucio Fontana. Il l’a dit lui-même, comme le rappelle le titre de l’actuelle exposition chez Karsten Greve : « Io sono uno scultore e non un ceramista » (« Je suis un sculpteur et non un céramiste »).

Pourtant cette activité est « une partie centrale, capitale, essentielle de la production de Fontana. Ses céramiques sont des œuvres clefs pour comprendre son langage et l’évolution de son langage », précise Michele Casamonti, grand spécialiste de l’artiste italien et directeur de la galerie Tornabuoni qui, pour son exposition inaugurale à Paris en 2009, présentait une grande rétrospective de son œuvre.

Entre figuration et abstraction
De parents italiens émigrés en Argentine, où il est né, Fontana (1899-1968) va d’ailleurs commencer très tôt la céramique. D’abord dans l’atelier parental spécialisé dans les pierres tombales décoratives. Et surtout en 1937, lorsqu’installé à Milan il vient faire un premier séjour (il en fera plusieurs) à la Manufacture de Sèvres pour perfectionner la technique de la porcelaine et de la céramique.
De cette période est ici présenté un important crocodile, daté de 1936-1937. Avec à ses côtés plusieurs crucifixions, une figure féminine allongée, des personnages de la commedia dell’arte (Colombine et Arlequin), un guerrier… Il est clair que les œuvres sont en majorité figuratives. Mais ce qui étonne en même temps, c’est comment Fontana, dans la façon de traiter le sujet avec le signe fort d’une empreinte marquée du geste de la main et des doigts, est presque toujours à la frontière de l’abstraction. L’exemple le plus frappant en est cette série de cinq batailles qui, vues de loin, ressemblent à des algues et, de près, montrent des petits combattants. Elles datent de la fin des années 1940, c’est-à-dire quelques années avant que Fontana ne mette réellement en place son Consetto spaziale son fameux « concept spatial », dont on peut ici voir deux œuvres. Et celles-ci rappellent que c’est bien le travail de la céramique qui le conduira à concevoir ses premières oeuvres « spatialistes » ainsi que ce concept qui oriente sa démarche à partir de cette époque.
Très variées, aussi bien du point de vue des techniques (céramique, terre cuite, plâtre, gypse) que des formes (assiettes, vases, reliefs, sculptures), des sujets et de la gamme chromatique, les œuvres montrent parfaitement que le vrai sujet de Fontana est avant tout l’espace. Et l’ensemble permet de comprendre – il suffit de penser à certaines de ses toiles lacérées monochromes ou peintes avec la trace des doigts – que même lorsqu’il fait de la peinture, Fontana peint en trois dimensions, et que ses tableaux sont donc des sculptures. Compris entre 80 000 et 1 million d’euros, avec une moyenne autour de 400 000 euros, le prix de ces céramiques est loin de celui des tableaux qui varient eux plutôt de 1 à 4 millions d’euros. Le marché de l’art ne met  pas encore au même niveau tableaux et sculptures. Pour combien de temps ?

Lucio Fontana

Nombre d’œuvres : 30, dont une composée de 7 dessins Prix : de 80 000 à 1 million d’euros

Lucio Fontana-Sculptures

Jusqu’au 23 juin, galerie Karsten Greve, 5 rue Debelleyme, 75003 Paris, tel. 01 42 77 19 37

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°368 du 27 avril 2012, avec le titre suivant : Fontana à la source

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