Israël : Paris Ashkelon Express

Enthousiasmé par le travail de la Française, le maire d’Ashkelon a commandé à Manuelle Gautrand un nouveau centre culturel.

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2012 - 681 mots

ISRAËL - Quitter Tel Aviv, emprunter la route 20 qui deviendra la 4, et filer vers le sud pour rallier, 64 kilomètres plus loin, après avoir évité Ashdod et longé à main droite tout au long du trajet l’immensité bleue de la Méditerranée, l’antique cité d'Ashkelon.

Aujourd’hui cité balnéaire réputée, bordée par 10 kilomètres de sable fin et doré, et forte de plus de 115 000 habitants, Ashkelon fut, au fil des siècles, propriété des Philistins, des Cananéens, des Hébreux, des Grecs, des Romains, des Arabes, des Croisés, de Venise, des Turcs… Autant dire, malgré sa modernité, une ville chargée d’histoire. Pour l’anecdote, c’est là, raconte la légende, que Dalila coupa les cheveux de Samson… En 2014, l’arrivée à Ashkelon sera marquée par une sorte de gigantesque signal, jeu de lego monumental, culminant à 45 mètres, tour de sémaphore géante le jour et lumignon incandescent la nuit : le futur Centre de musique et de danse conçu et édifié par l’architecte française Manuelle Gautrand. Un ensemble tourmenté et pourtant serein qui, dans près de 6 000 m2, accueillera un conservatoire de musique riche de vingt-cinq salles de travail et de répétition dont deux pouvant recevoir du public, un conservatoire de danse comptant douze salles de travail et de répétition dont trois accessibles au public, et encore un théâtre de 450 places que son acoustique parfaite permet de transformer en salle de concert, ainsi que des ateliers et des salles d’exposition consacrés à l’art contemporain. Bref, un centre culturel complet.

C’est l’histoire d’une rencontre…
Comment Manuelle Gautrand en est-elle arrivée là ? L’histoire mérite qu’on la raconte. Invitée, au milieu des années 2000, à un colloque architectural à Tel Aviv, elle y parle et présente son travail (showroom Citroën sur les Champs Élysée, extension du LaM à Villeneuve d’Ascq, Gaîté Lyrique à Paris…), ce qui débouchera sur une exposition. Là, elle est abordée par une consœur israélienne, Batia Svirsky-Melloul, emballée par son travail. Elles sympathisent et, quelques semaines plus tard, Batia annonce à Manuelle qu’elle a parlé d’elle au maire d’Ashkelon, Beni Vaknin. Quelque temps après, deux responsables d’Ashkelon débarquent à Paris et Manuelle leur fait une présentation d’agence en bonne et due forme. Puis, ce sera à son tour de filer à Ashkelon où elle est reçue par le maire qui lui fait les honneurs de sa ville et lui fait visiter un terrain. Résultat, une commande directe et signature d’un contrat avant même que la moindre esquisse du projet ne soit exécutée ! Manuelle Gautrand est sidérée, mais ce rythme correspond à l’idée qu’elle s’est déjà faite d’Israël, pays dynamique, projeteur, entreprenant, plein d’appétit. Mais pays également écartelé entre gaîté et angoisse, mémoire et progrès, puissance et fragilité, orient et occident… Une complexité et une mixité qui l’enchantent et vont littéralement donner forme à son projet : « Je m’imprègne de tout, comme une éponge », confie-t-elle sourire et œil en coin. Ainsi naît une tour centrale d’où jaillissent des sortes de « pétales » orientés dans toutes les directions. Chacune de ces « boîtes » ménageant des terrasses, certaines ombragées, d’autres en plein soleil et toutes offrant des vues spectaculaires sur la Méditerranée. Tandis que tout en haut du noyau central, la plus grande de ces terrasses peut accueillir des fêtes et des événements.

À l’intérieur, tous les parcours sont extrêmement scénographiés, tant il est vrai qu’en Israël, les lieux de culture sont des lieux de rassemblement très fréquentés. Seule obligation incontournable, la création d’abris à chaque niveau : Ashkelon bordant la limite nord de la bande de Gaza, les roquettes Katioucha y sont fréquentes…

Reste la « peau » de l’ensemble. Manuelle Gautrand souhaite emballer cette structure complexe, mais de façon imperceptible. Ce qui sera fait, au moyen d’un tissage d’aluminium laqué clair pour atténuer les effets du soleil particulièrement virulent en ces rivages. Impression saisissante, sorte de « rideau de pluie » le jour, mantille irradiante la nuit. Une fois encore, à Ashkelon, Manuelle Gautrand démontre sa capacité à générer une forme singulière, non duplicable, parfaitement expressive d’une situation, sans pour autant rien renier de son écriture spécifique.

Légende photo

Manuelle Gautrand, Centre de danse et de musique, Ashkelon. © Manuelle Gautrand architecte.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°368 du 27 avril 2012, avec le titre suivant : Israël : Paris Ashkelon Express

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