Toile

Il est libre Cherkit

Mathieu Cherkit déploie ses compositions dans sa maison.

Par Françoise Chaloin · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2012 - 536 mots

SAINT-CLOUD - Il peint sur le motif et le motif est… sa maison, ses différentes pièces, du vestibule au dernier étage sous pente en passant par la cuisine, et son jardin ou encore l’atelier du grand-père. Découvert au Salon de Montrouge (2008 et 2010) et entré depuis à la galerie Jean Brolly (Paris), Mathieu Cherkit expose dans sa ville, au Musée des Avelines à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).

La demeure familiale et ses occupants, parmi lesquels cet aïeul fabricant d’automates dont de petits modèles subsistent dans ses toiles, fournissent le cadre idéal à ses compositions. L’endroit et ses différentes strates de souvenirs sont agencés dans de grands formats dont le parti pris hétéroclite semble autant servir la réalité que relever de l’imagination du peintre. Ainsi dans le diptyque Caducée vaudou (2011), l’espace – un hall d’entrée avec son cabas à roulettes posé contre le mur, ses compteurs électriques, sa décoration un peu kitsch – paraît-il à la fois familier et perturbé : les plans ne sont pas raccordés, la perspective est ostensiblement faussée, le motif de l’horloge est bizarrement dupliqué et apparaît encore de façon incompréhensible dans le miroir, sans oublier les couleurs saturées… Une construction pour le moins dynamique, que viennent rasseoir les lourds pans du rideau de velours vert, et ponctuer divers petits objets disséminés au sol, orange, figure géométrique, jeu d’échec, bouteille renversée ou couteau suisse – évocation désordonnée d’une nature morte « métaphysique ». Ailleurs, des objets plus prosaïques tels que gants Mappa, aspirateur ou prise USB témoignent au premier plan du tableau d’un ancrage dans l’époque.

Un peintre assurément
L’artiste joue parallèlement de l’imbrication de plans de nature hétérogène, profitant d’un haut de porte en verre sablé pour y inscrire un curieux paradis perdu, ou du nuage de vapeur d’une casserole d’eau pour y peindre un ciel. Mais le motif est aussi ornement et ceux des tentures, tapis et tissus s’échappent, voltigent ou bien encadrent fermement la représentation, à l’instar de ces aplats de couleur dans Les Absents ont toujours tort (2009), rappel de l’ombre portée d’un objet invisible. Ces plans colorés jouent du contraste avec l’empâtement de certains éléments, écorce d’arbre, plancher ou mur, ou avec le « fripé » des feuilles d’arbre. Ils apportent aussi, quand ils se retrouvent étrangement insérés dans l’espace vide d’une chaise pliante, une note d’abstraction impertinente et joyeuse. Quant aux personnages, amputés de leurs membres, géométrisés ou laissés à l’état semi-fantomatique, l’artiste refuse visiblement de s’en laisser conter.
Mathieu Cherkit est assurément un peintre. Si une vision hâtive peut le ranger parmi les naïfs, sa peinture se révèle en fait très informée. Matisse, Vuillard, Magritte, David Hockney, mais aussi Neo Rauch ou Matthias Weischer et ses carrelages extraordinaires comptent parmi ses influences. C’est que Cherkit, 30 ans cette année, a séjourné, dans le cadre de ses études d’art à Nantes, à la Hochschule für Grafik und Buchkunst de Leipzig, en Allemagne. Il en a rapporté sans nul doute cette liberté qui ne lui fait pas craindre de représenter son environnement quotidien, débarrassé au besoin des immeubles s’étendant au-delà du jardin.

CHERKIT

Commissaire de l’exposition : Emmanuelle Le Bail, directrice du musée
Nombre d’œuvres : 21 (huiles sur toile et pastels gras), dont un grand pastel réalisé in situ

Mathieu Cherkit

Jusqu’au 3 juin, Musée des Avelines, 60, rue Gounod, 92210 Saint-Cloud, tél. 01 46 02 67 18, mercredi-vendredi 12h-18h, le week-end 14h-18h, www.musee-saintcloud.fr. Catalogue, 35 p., 7 euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°368 du 27 avril 2012, avec le titre suivant : Il est libre Cherkit

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque