La campagne électorale en livres

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 11 avril 2012 - 719 mots

Quatre ouvrages très différents dans leur forme et leur contenu pallient l’absence de vrai débat électoral sur la culture.

La campagne prési-dentielle 2012 n’est pas privée de son lot habituel d’essais sur la politique culturelle. Mis à part le J’aime pas le Sarkozysme culturel (éd. Flammarion, 2011), de Frédéric Martel dont le titre résume l’ouvrage, trois livres se détachent. Il y a tout d’abord ceux des deux prétendants officieux au poste de ministre de la Culture : Olivier Poivre d’Arvor (OPDA), l’actuel directeur de France Culture, auteur de Culture, État d’urgence, et Christophe Girard, adjoint au maire de Paris, en charge de la culture, qui publie Le Petit Livre rouge de la culture. Deux livres qui ressemblent fort à un programme de gouvernement. Le communiqué de presse du second affiche même clairement les intentions du directeur de la stratégie d’une des branches de LVMH, en résumant ses 40 propositions. Même format, même nombre de pages, même couverture rouge pour bien témoigner de l’ancrage à gauche, ces deux livres affichent involontairement la cordiale rivalité de leurs auteurs. Si tous deux se retrouvent dans la critique du quinquennat culturel qui s’achève, et pour la préconisation d’un vaste plan d’éducation artistique et le développement du numérique culturel, ils marquent leurs différences en s’appuyant sur leurs parcours distincts. OPDA, l’ex-patron de CulturesFrance devenu depuis l’Institut français, capitalise sur son expérience internationale pour appeler à un « New Deal » rooseveltien qui renouvellerait le rayonnement culturel de la France comme instrument du soft power, un thème cher à OPDA et largement développé dans son précédent ouvrage, Bug made in France (éd. Gallimard, 2011). Christophe Girard, moins lyrique mais aussi plus hexagonal, formule plusieurs propositions très concrètes : des résidences d’artistes dans les écoles ou dans les quartiers, le 1 % artistique étendu aux chantiers urbains, la multiplication des Gaîtés lyriques ou le développement des arts de la rue. Se perçoivent ici ou là des filiations avec le discours de Nantes sur la culture du candidat François Hollande.

Sans langue de bois
Le troisième ouvrage est celui qui va le plus au fond des choses : Malraux, Lang… et après par Yves Marek et Claude Mollard. Yves Marek, un haut fonctionnaire de la culture, a supervisé pendant dix ans les expositions du Musée du Luxembourg. Claude Mollard a longtemps été un collaborateur de Jack Lang et connaît à ce titre parfaitement les arcanes du ministère de la Culture. Aucun des deux hommes n’a son drapeau dans la poche, notamment Yves Marek, qui assume ses opinions de droite dans un milieu réputé à gauche. L’éditeur n’est pas allé jusqu’à faire débattre les deux hommes, c’est dommage ; il en reste cependant deux analyses du passé et du présent très différentes, partisanes mais sans langue de bois, ce qui en fait tout le sel. Ironique, mordant, plein d’humour, Yves Marek est très critique vis-à-vis du personnel culturel, « trop réticent à aller vers le public », et croit beaucoup au secteur privé. Mais il lâche aussi ses coups contre le mécénat des grandes entreprises et sa défiscalisation indue. Claude Mollard défend pied à pied le bilan de « son » ministre, non sans pertinence tout en prononçant un réquisitoire, pas toujours de bonne foi, contre la culture sous la droite. Il avance plusieurs propositions très travaillées, malgré un chiffrage budgétaire parfois fantaisiste.

Un dernier ouvrage mérite d’être signalé, même s’il couvre tous les thèmes de la campagne : Candidats répondez !, de Jacques Attali. L’ex-conseiller de François Mitterrand a identifié 153 questions majeures pour la France dont cinq pour la culture (Hadopi, financement privé, intermittents du spectacle…) vis-à-vis desquelles il présente à chaque fois deux thèses principales opposées avec force chiffres mais sans prendre parti. Vu la tournure de la campagne actuelle, il est probable que, pour la culture comme pour les autres thèmes, les électeurs n’aient pas beaucoup reçu de réponses.

- Olivier Poivre d’Arvor, Culture, État d’urgence, 2012, éd. Tchou, 146 p. , 9,95 €.

- Christophe Girard, Le Petit Livre rouge de la culture, 2012, éd. Flammarion, coll. « Documents », 100 p., 12 €.

- Yves Marek et Claude Mollard, Malraux, Lang… et après, 2012, éd. Descartes & Cie, coll. « Area », 239 p., 20 €.

- Jacques Attali, Candidats, répondez !, 2012, éd. Fayard, coll. « Documents », 336 p, 18,30 €

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : La campagne électorale en livres

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