Histoire

Alésia, du mythe à la réalité

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2012 - 863 mots

Imaginé par Bernard Tschumi, un impressionnant complexe exhume
du passé la mythique bataille opposant César à Vercingétorix.

ALISE-SAINTE-REINE - « Vous êtes ici à Alésia ». Cette petite phrase lourde de sens, prononcée par François Sauvadet, président du Conseil général de la Côte-d’Or et ministre de la Fonction publique, sur le seuil du Centre d’interprétation Alésia, à quelques jours de son inauguration, balaye d’un trait la polémique longtemps entretenue sur la localisation géographique d’Alésia où s’affrontèrent, en l’an 52 avant notre ère, les troupes de Vercingétorix et de César. L’architecte en charge du projet Bernard Tschumi, à qui l’on doit déjà le Parc de la Villette ou le Musée de l’Acropole d’Athènes, enfonce le clou : « ce projet a commencé il y a dix ans avec des polémiques entre archéologues et s’achève aujourd’hui avec cette certitude architecturale ». Le bâtiment circulaire qu’il a conçu est le premier des deux pôles qui formeront à terme le MuséoParc Alésia. Le second, un musée archéologique de forme similaire, situé à moins de deux kilomètres du centre, devrait être livré à l’horizon 2016-2017. Vaste projet culturel financé à 80 % par le département, le MuséoParc est géré par la SEM Alésia, société d’économie mixte. Cela faisait longtemps que le Conseil général voulait valoriser le patrimoine archéologique d’Alise-Sainte-Reine, où subsistent seulement quelques vestiges du site gallo-romain qui s’est développé, après la défaite de Vercingétorix, sur l’oppidum de la tribu gauloise des Mandubiens.

Dialogue réussi entre architecture et nature
Avec sa résille de bois naturel et sa terrasse supérieure boisée de bouleaux et de chênes, l’architecture de Tschumi s’intègre parfaitement à son environnement. Et ce, jusqu’au parking planté dont les nombreux arbres permettront de dissimuler les voitures. « Il fallait être très présent symboliquement et invisible à la fois », résume l’architecte. La résille laisse la lumière pénétrer dans cette rotonde entièrement vitrée, haute de 15,5 mètres, d’où il est possible d’embrasser l’ensemble des collines où se trouvaient les armées de César. La circularité du bâtiment et son enveloppe en bois (là où celle du musée sera en pierre) font échos à l’organisation des fortifications romaines. « L’ensemble a été conçu comme un dialogue : entre le bâtiment et la nature où il se trouve, entre l’assiégeant et l’assiégé, entre le centre et le musée », note Tschumi. Depuis le musée, le visiteur adoptera le point de vue de l’assiégé avec un parcours retraçant l’histoire de l’oppidum et la vie quotidienne des Gaulois. Le centre d’interprétation, campe, lui, la position romaine, et propose de décrypter les stratégies militaires des forces en présence à Alésia. Le visiteur pénètre dans un grand hall d’accueil en béton depuis lequel il gagne les espaces d’exposition permanente au premier étage. Loin de passer sous silence la polémique, le parcours expose l’ensemble des preuves archéologiques désignant Alise-Sainte-Reine comme l’ancien oppidum assiégé par César. Les traces des fortifications mises au jour lors des fouilles menées par Napoléon III, la présence attestée de Labienus, principal lieutenant de César, où l’inscription du nom gaulois de l’oppidum, in Alisiia, retrouvée sur le Mont-Auxois, sont autant d’éléments qui, comme le souligne Claude Grapin, conservateur du patrimoine au sein de la Mission Alésia, ne laissent pas de place au doute.

Les faux pas de l’exposition
Plans-reliefs rétroéclairés, film, maquettes, diorama du monde antique occidental, bornes interactives : tout a été mis en œuvre pour rendre attractive la visite dans une scénographie qui n’évite pas toujours le mauvais goût. La « galerie du combat » qui accueille les visiteurs, constituée de grossières sculptures de guerriers gaulois et romains qui se font face, ou la fresque peinte figurant les deux armées, laisse perplexe. Plus ennuyeux encore, les vitrines associent les vestiges originaux (fers de lance, fragments d’épées, de boucliers) à des reconstitutions semblables à des jouets pour enfant. Ce procédé, qui prend le risque de semer la confusion dans l’esprit du public, est à utiliser avec parcimonie et non systématiquement comme ici. Le recours aux fac-similés est tout aussi discutable. Ne fallait-il pas mieux renoncer à l’original que de présenter de manière aussi spectaculaire une reproduction de la canthare en argent retrouvée sur le site et actuellement conservée au Musée d’archéologie national de Saint-Germain-en-Laye ? Accumulant gadgets muséographiques et abusant du principe de la reconstitution, l’espace temporaire n’est pas à la hauteur de la subtile architecture conçue par Bernard Tschumi. « Dès son origine, au début des années 2000, le MuseoParc Alésia a été imaginé pour un public le plus large possible. C’est pour cela que nous avons choisi le terme de centre d’interprétation plutôt que de musée, dont l’image est parfois trop intellectuelle «, martèle Laurent de Froberville, le directeur de la SEM Alésia. Dans cet état d’esprit, deux segments des lignes romaines ont été restitués aux abords du centre, où le visiteur pourra croiser quelques légionnaires romains en vadrouille… L’ensemble témoigne d’une volonté de doper le tourisme et de créer des emplois dans un territoire déserté par sa jeune population.

ALÉSIA

Architecte : Bernard Tschumi
Scénographie : agence Scène
Paysagiste : cabinet Michel Desvigne
Budget Centre interprétation : 27 millions d’euros
Budget global : 50 millions d’euros (financés à 80 % par le Conseil général de la Côte-d’Or)
Superficie : 6 650 m2

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°366 du 30 mars 2012, avec le titre suivant : Alésia, du mythe à la réalité

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