Musée

Albi

Un austère Lautrec

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2012 - 761 mots

ALBI

Le Musée Toulouse-Lautrec logé dans un monument historique très prégnant, achève sa longue rénovation.

ALBI - Il est assez rare que la collection de référence d’un artiste important soit présentée dans sa ville natale. C’est pourtant encore le cas avec Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), dont le Musée d’Orsay ne conserve qu’une vingtaine d’œuvres. Il aurait pourtant pu en être autrement. Après la mort de l’artiste, en 1901, le musée du Luxembourg – qui accueillait alors l’art moderne – a refusé la proposition de legs émanant des parents du peintre. Ces derniers, se sont alors tournés avec davantage de succès vers Albi, cité natale de l’artiste, permettant en 1922 l’ouverture d’un musée qui porte son nom dans l’impressionnant palais de la Berbie, évêché forteresse avec donjon, construit tout en briques à l’ombre de la cathédrale Sainte-Cécile. Au fil des années, ce prestigieux monument a toutefois rendu bien complexe la vie quotidienne du musée. Fallait-il pour autant déménager la collection dans un autre bâtiment ? Interrogée sur le sujet, sa directrice, Danièle Devynck : « ce serait tout de même dommage ! » Depuis 2010, la cité épiscopale d’Albi est en effet classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Un simple label qui a dopé la fréquentation touristique albigeoise et permet de drainer toujours plus de visiteurs vers le musée qui, avec plus de 170 000 visiteurs annuels, devance toujours ses rivaux régionaux, y compris les musées de Toulouse.

Chantier colossal
Il n’empêche : les conditions de conservation des œuvres dans cette ancienne forteresse médiévale des bords de Tarn étaient entièrement à revoir. Colossal pour une ville de 50 000 habitants, le chantier – soutenu également par les collectivités locales dont le département, propriétaire du bâtiment, et l’État, au titre du « Plan Musées » à hauteur de 33 % – a donc été organisé en plusieurs tranches. Lancé en 2001, il s’achève ainsi onze ans plus tard, sans que les portes du musée n’aient été fermées plus de trois mois. La facture globale, alourdie par quelques découvertes archéologiques, dépasse les 38 millions d’euros. Sous la houlette de l’architecte en chef des monuments historiques, Patrice Calvel, et de l’agence Pierre-Charles Dubois, l’édifice historique aura été totalement remodelé. Un ascenseur a ainsi été logé dans l’épaisseur des murs du donjon et deux salles, destinées à l’auditorium et aux expositions temporaires, creusées sous les cours. Des travaux portant sur le monument historique auront aussi permis de mettre en valeur d’anciens pavements vernissés médiévaux ainsi que des peintures datant de la Renaissance, situées dans la galerie d’Amboise.

Parcours chaotique
L’idée – louable – de ne pas occulter le monument, combinée à la mise en œuvre d’un projet architectural déjà ancien (1997), n’a toutefois pas contribué à simplifier l’accrochage. Optant pour un parcours chrono thématique, la collection se déroule désormais à partir des parties basses de la forteresse, déployant les œuvres de jeunesse, la thématique des portraits puis celle des maisons closes, présentée dans une salle à l’éclairage interlope quand ces œuvres majeures, comme Au Salon de la Rue des Moulins (1894), étaient jadis exposées dans la lumière de l’étage noble du palais. Celui-ci accueille désormais principalement les collections d’affiches et les œuvres graphiques. Plusieurs pièces sont venues récemment enrichir ce fonds riche déjà d’un millier de numéros : sept acquisitions, dont une nouvelle version de La Modiste (1900, peinture à l’essence sur carton) mais aussi quelques prêts et dépôt du Musée d’Orsay, notamment de peintures de Léon Bonnat et Fernand Cormon, deux des maîtres de Lautrec après l’initiateur René Princeteau. Dans ce parcours, la vie de l’artiste, marquée notamment par une infirmité liée à la consanguinité du mariage de ses parents, cousins par germain, est très peu évoquée au profit de la mise en valeur de l’œuvre. Ce parti pris, assumé par Danièle Devynck, peut toutefois surprendre par sa radicalité, tant cette histoire personnelle peut aussi constituer une porte d’entrée pour un public touristique pourtant attendu au musée. La visite s’achève avec la collection d’art ancien, riche d’un très beau Guardi et de deux La Tour, perdus dans une salle remplie de copies ; puis par un fonds d’art moderne qui, par son accrochage peu sélectif, brouille un peu le sens du parcours pour un visiteur venu découvrir avant tout l’œuvre de Lautrec qui manque sensiblement de chair dans cette nouvelle muséographie.

MUSEE TOULOUSE-LAUTREC, PALAIS DE LA BERBIE

Place Sainte-Cécile, 81003 Albi, tél 05 63 49 48 97, www.musee-toulouse-lautrec.net, mercredi-lundi 10-12h et 14h-18h, horaires modifiés selon les saisons, catalogue Danièle Devynck, Le Musée Toulouse-Lautrec, AlbiA, éd. Fondation BNP Paribas/Ville d’Albi/RMN, 120 p., 23 €, ISBN : 2-7118-4745-4

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°366 du 30 mars 2012, avec le titre suivant : Un austère Lautrec

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