Portrait d'objet : pièces en verre

En verre et tout contre l’Histoire

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2012 - 519 mots

L’Histoire ne repasse pas les plats. En revanche, il lui arrive parfois de repasser… les verres. Ainsi en est-il de ce travail du designer slovaque Tomas Kral, 33 ans, intitulé « L’Histoire réutilisée ».

Pour le fabricant madrilène PCM, il a imaginé une série de pièces en verre à partir des collections de la Real Fábrica de Cristales [« Fabrique royale de cristal »] de La Granja de San Ildefonso, à Ségovie (Espagne), laquelle donne un sérieux coup de fouet au fonds plus classique habituellement conçu au sein de ladite manufacture. Tomas Kral a d’abord « exhumé » des archives des moules originaux de lampes à huile datant de la fin du XIXe siècle et tombées dans l’oubli, puis sélectionné ceux dont les formes l’inspiraient. Il a, ensuite, dessiné trois collections distinctes, en réalisant de « légères interventions » : « Plain », une série d’objets vierges de tout décor ; « Cut », comportant des gravures ; et « Honey Comb », reproduisant des effets d’abrasion.

Si la série « Plain » consiste en de « simples » fragments de ces fameuses lampes à huile qui, judicieusement découpés, deviennent carafe ou verres de table – trois versions : eau, vin rouge, vin blanc –, les deux autres séries révèlent l’une des caractéristiques essentielles de l’approche de Tomas Kral : sa préoccupation pour le matériau lui-même et pour le processus de fabrication. En tenant compte de l’outil de production spécifique à la Real Fábrica, il est intervenu directement sur la surface du matériau, y apportant un habile décalage dans l’emploi des techniques. Dans la série « Cut », le verre est gravé, pour ne pas dire « scarifié », d’une suite de hachures inversées qui, par transparence, peuvent se croiser visuellement. Dans la série « Honey Comb », le verre est comme « grignoté » par une succession de petits meulages qui le rendent, par endroits, mat. Dans les deux cas, le jeu graphique opéré est des plus subtils.

Né en 1979 à Bojnice (Slovaquie), Tomas Kral a ouvert son agence en 2008 en Suisse, à Lausanne, ville dans laquelle il a décroché son diplôme en design industriel, à l’École cantonale d’art (ECAL). En 2010, il a été récompensé par l’une des reconnaissances helvètes en la matière : le « Prix fédéral du design suisse ». Pour l’architecte Paloma Cañizares, qui a fondé, l’an passé, ce nouvel éditeur PCM, son projet « L’Histoire réutilisée » est intéressant à double titre : « D’abord, pour promouvoir l’héritage de l’artisanat espagnol, mais d’un point de vue contemporain ; ensuite, pour soutenir cette manufacture royale, l’une des trois dernières encore en activité en Europe qui continuent à souffler le verre avec des techniques héritées du XVIIIe siècle. » Parfois, le passé ne peut se passer du présent pour regarder vers le… futur.

Le prix varie de 50 € pour le verre à eau ou à vin de la série « Plain » à 160 € pour un vase de la série « Cut », en passant à 135 € pour un vase de la série « Honey Comb ». Rens. : www.pcmdesign.es

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°365 du 16 mars 2012, avec le titre suivant : En verre et tout contre l’Histoire

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