Commémoration

Massenet sous les feux de la rampe

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2012 - 760 mots

L’Opéra de Paris et la Bibliothèque nationale de France rendent hommage
au compositeur à l’occasion du centenaire de sa mort.

PARIS - L’Opéra national de Paris célèbre le centenaire de la mort du compositeur Jules Massenet (1842-1912) à travers une série d’événements tels que la reprise de l’Histoire de Manon au Palais Garnier en avril et mai. L’institution organise parallèlement, en son sein, dans la Bibliothèque-musée de l’Opéra, une exposition en hommage à ce compositeur passionné par la scène. La manifestation a été mise sur pied en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France (BNF).

Après plusieurs succès, c’est en ces lieux, à l’Opéra Garnier, en 1877, que Jules Massenet s’est imposé sur la scène lyrique française avec la création du Roi de Lahore. Une œuvre que Christophe Ghristi, l’un des commissaires de l’exposition, décrit comme une « fantaisie indienne », « toute baignée d’un amour à la fois exotique et universel, mais bien réel ». Cet opéra est joué pendant deux ans dans différents théâtres d’Europe, notamment en Italie, et vaut à Massenet d’être élu à l’Académie des beaux-arts. Suivent les créations Manon à l’Opéra-comique en 1884, et Le Cid au Palais Garnier en 1885. Avant que Werther, joué en 1892 au théâtre impérial de Vienne, ne « le consacre définitivement comme le plus grand compositeur français dramatique de son temps », souligne le musicologue Jean-Christophe Branger, l’un des auteurs du catalogue.

Vives critiques
Magnifiés par un éclairage dramatique sur fond de cimaises pourpres, des dessins, esquisses et éléments de décors, tableaux, affiches, photographies, costumes, manuscrits autographes, documents d’archive et maquettes retracent la carrière et l’œuvre de ce compositeur de la Belle Époque. Au rythme de représentations des opéras de Massenet filmées récemment, le parcours suit une trame thématique, évoquant tour à tour l’univers théâtral de Massenet, les liens étroits l’unissant à ses interprètes, et enfin, l’atelier du compositeur avec des objets de son quotidien. Préoccupé par la cohérence de chacune de ses créations scéniques, de l’écriture au choix des costumes, Massenet voulait tout contrôler, comme le rappelle Mathias Auclair, conservateur en chef à la Bibliothèque-musée de l’Opéra, également l’un des commissaires de l’exposition. Et cela, particulièrement en ce qui concerne le choix de ses interprètes féminins à l’instar de Joséphine de Reszké, sélectionnée pour jouer Sita dans Le Roi de Lahore ; de Sybil Sanderson, pour le rôle-titre d’Esclarmonde en 1889 ou celui de Manon en 1891 et 1892 ; ou encore de Mary Garden pour Chérubin en 1905, toutes immortalisées dans les clichés ici réunis. « Ses chanteuses étaient aussi ses musées », note la soprano américaine Renée Fleming qui, plus d’un siècle après Sibyl Sanderson dont le talent avait jadis inspiré Massenet, clame son admiration pour le compositeur : il « a aimé la voix des sopranos comme seul peut-être Richard Strauss ». « Depuis mes débuts, je me suis naturellement laissée porter par ses lignes et ses accents, et je reviens toujours à lui avec bonheur. J’aime sa richesse harmonique. »

En dépit d’un succès public, une partie des critiques et des musiciens demeuraient sceptiques face à ce qu’ils considéraient comme des effets de mode guidés par un désir absolu de plaire, relève Jean-Christophe Branger, qui évoque le déclin des dernières années. « À peine parvenu au faîte de sa gloire, Massenet se trouve confronté à des critiques d’autant plus vives que surgit une jeune génération de compositeurs, qui, engagée dans de nouveaux combats esthétiques opposés ou apparentés, conteste sa suprématie tout en subissant son influence. » Puccini triomphe à l’Opéra-comique avec La Bohème en 1898 tandis que Debussy bouleverse la scène française avec Pelléas et Mélisande en 1902. Dans Ses Souvenirs, Massenet imagine ses obsèques sur un mode dramatique : « Je savais, ayant fait construire depuis longtemps mon caveau, que la lourde pierre, une fois scellée, serait, quelques heures plus tard, la porte de l’oubli ! » La réalité est tout autre comme le montre la saison Massenet organisée cette année sur les scènes parisiennes, où son œuvre se trouve à nouveau sous les feux de la rampe.

LA BELLE ÉPOQUE DE MASSENET

Commissariat : Pierre Vidal et Mathias Auclair, respectivement directeur et conservateur en chef à la Bibliothèque-musée de l’Opéra ; Christophe Ghristi, directeur de la dramaturgie à l’Opéra national de Paris, Elizabeth Giuliani, directrice du département de la Musique de la BNF
Scénographie : Philippe Maffre
Nombre de pièces : 140

Jusqu’au 13 mai, Bibliothèque-musée de l’Opéra, Palais Garnier, angle des rues Scribe et Auber, 75009 Paris, tél. 08 92 89 90 90, tlj 10h-17h. Catalogue, éd. Gourcuff Gradenigo, 236 p., 39 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°365 du 16 mars 2012, avec le titre suivant : Massenet sous les feux de la rampe

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