Justice

« La Grotte des rêves perdus »

Par Hélène Brunel · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2012 - 494 mots

La grotte Chauvet a son film, bientôt sa réplique, pourtant les droits de ses « inventeurs » semblent toujours ignorés.

NÎMES - Le 28 février, la cour d’appel de Nîmes a confirmé la décision du tribunal de grande instance de Privas qui, en mars 2009, avait débouté de leurs demandes les trois découvreurs de la grotte Chauvet. Eliette Brunel, Jean-Marie Chauvet et Christian Hillaire avaient révélé ce site archéologique exceptionnel le 18 décembre 1994, au cours d’activités spéléologiques privées en Ardèche. Ils espéraient que la justice leur reconnaisse un droit réel de propriété sur la grotte ainsi que des droits de propriété intellectuelle sur ses peintures et gravures pariétales. « Mais l’action de ces derniers a, une nouvelle fois, été jugée irrecevable. De sorte qu’il n’a toujours pas été statué sur le fond de l’affaire », nous a confié l’avocat des plaignants, Me Marc Sabatier, après avoir annoncé que ses clients se pourvoiraient en cassation.

Les appelants reprochent à l’État d’avoir porté atteinte à leurs droits de propriété, en occupant et exploitant leur découverte. Toutefois, pour la cour d’appel, cette action en revendication de droits de propriété, « dont la demande de réparation n’est que l’accessoire », porte sur un bien relevant du domaine public de l’État. Le bien-fondé de la fin de non-recevoir opposée par l’État devait donc être reconnu, puisque, en violation des dispositions du Code du domaine de l’État, le service des domaines n’avait pas été appelé à intervenir. De plus, la cour a estimé que l’irrecevabilité des demandeurs tenait également au fait que la grotte a été l’objet d’une expropriation, opération au cours de laquelle les inventeurs n’ont pas fait valoir les droits dont ils se prétendent désormais titulaires.

Faux en écritures publiques
« À l’époque, en 1995, les trois spéléologues n’étaient pas visés par cette expropriation. Car l’État s’appuyait alors sur un ordre de mission antidaté pour considérer que la découverte de la grotte résultait d’une autorisation de prospection donnée à Jean-Marie Chauvet par le ministre de la Culture. Or une invention de mission appartient à l’État », rappelle Me Sabatier. En 1999, cette autorisation de prospection antidatée avait donné lieu à une procédure pénale pour faux en écritures publiques, diligentée par les découvreurs de la grotte contre des fonctionnaires de l’État. S’en était suivi un protocole d’accord signé en 2000, censé mettre un terme aux différends survenus entre les spéléologues et l’État. Cet accord avait gratifié les découvreurs de la qualité d’« inventeur » et imposé à l’État d’associer les spéléologues à la valorisation de leur découverte. « Ce qui, théoriquement, était censé leur ouvrir des droits. Cependant, l’arrêt d’appel montre que cet ordre de mission antidaté a encore des répercussions néfastes pour les «inventeurs» dix-sept ans plus tard. » La cour a condamné les appelants à s’acquitter des dépens d’appel et à payer à l’État la somme de 1 000 euros chacun. La grotte, quant à elle, est depuis janvier candidate à l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°365 du 16 mars 2012, avec le titre suivant : « La Grotte des rêves perdus »

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