Galerie B.O.B.

Quand tout n’est qu’illusion

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 29 février 2012 - 492 mots

Avec force mises en scène et accessoires, les photographies de Vivian van Blerk sont le théâtre de son imagination.

PARIS -  Le goût de la mise en scène, du décor et de l’artifice sous-tend toute la démarche de Vivian van Blerk, photographe formé en Afrique du Sud, désormais établi en région parisienne. Une douzaine de pièces en couleurs, créées en 1994-1995, en Afrique du Sud, dans le grenier d’un antiquaire, appellent Le Caravage ou Zurbarán, Pieter de Hooch aussi, mêlant goût de l’antique et du baroque, mettant en scène les personnages dans des décors de tapis, cadres ou colonnes. Si les clichés se caractérisent par leur richesse foisonnante, tout n’est qu’illusion : l’effet est toujours produit à l’aide de dessins sur cartons, de diapositives projetées sur des dessins – ou encore de superpositions de photographies et de papiers déchirés – qui sont ensuite photographiés.

Depuis son arrivée en France, confronté à des espaces exigus, et dépourvu tout d’abord de modèles, Vivian van Blerk fabrique des maquettes pour les photographier. En 2011, il crée des scènes de cheminées, le plus souvent des pièces, qui constituent autant d’univers. Les animaux qui les peuplent, composés par l’artiste, comme l’ensemble des décors, à base d’argile, de polystyrène ou de latex, semblent expérimenter et contempler le monde, sans que, pour autant, rien ne filtre de leurs étranges pensées. Cabinets de curiosités (la Wunderkammer n’évoque-t-elle pas le miracle et n’est-elle pas un monde en miniature ?), parfois énigmatiques galeries d’histoire naturelle : ces univers voués à rester mystérieux constituent autant de points d’entrée pour l’imagination. Il y a quelque chose d’intrigant dans la démarche même de Vivian van Blerk. Là où le regard est aujourd’hui constamment berné par la technique numérique, l’artiste se perd à créer ses étranges maquettes qui sembleraient justement irréelles, si l’une d’entre elles n’était pas montrée à l’entrée de l’exposition. Pourquoi passer jusqu’à quatre mois à créer ces univers, à agencer entre elles jusqu’à quinze sources d’éclairages, pour produire au final les clichés que nous voyons, quand la technologie numérique pourrait si rapidement produire le même résultat avec une tout autre facilité et nous tromper ? N’est-ce pas que l’irréel est, malgré les apparences, bien vrai ? La seconde série de 2011, Les Métamorphoses, illustre en 21 pièces l’ouvrage d’Ovide. Là encore triomphe le goût de l’artifice et se manifeste l’attrait de la technique, puisque est utilisée la gomme bichromatée qui, pour mettre en scène des sujets faussement antiques, évoque les clichés de la fin du XIXe siècle. Comme dans la première série de 1994-1995, des proches de l’artiste ont posé. Une fois encore, les accessoires ont souvent été produits en polystyrène. Et pourtant, ne pense-t-on pas au Caravage ou à Poussin ? En art, tout ne serait donc qu’illusion ? Comment ne pas penser ici à Shakespeare ? Le monde entier n’est-il pas, en effet, qu’un théâtre ?

Note

(1)Le 15 mars à 19 heures, Vivian van Blerk donnera une conférence présentant son travail.

VIVIAN VAN BLERK, Métamorphoses/Cheminées/The Attic Pictures

Nombre d’œuvres : entre 1 et 15 exemplaires
Prix : 600 à 2 600 €

Jusqu’au 10 mars, galerie Beckel Odille Boïcos, 1 rue Jacques Cœur, 75004 Paris. www.galbob.fr, du mardi au samedi 14h-19h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : Quand tout n’est qu’illusion

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