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Galerie Xippas

Les silhouettes de Philippe Ramette

Par Julie Estève · Le Journal des Arts

Le 29 février 2012 - 751 mots

Abandonnant temporairement la photographie, Philippe Ramette présente un ensemble de dessins et de sculptures figuratives, des personnages à échelle 1.

PARIS - Il n’y a pas de rupture dans le parcours de Philippe Ramette mais des mises à distance. Et toujours, quel que soit le médium, son œuvre parle d’hommes et d’évasions. Toujours, elle poétise les petits défauts, reconnaît les grandes naïvetés, s’amuse des doutes, des quiproquos, des incompréhensions. Et toujours, l’humour dessine son sens, celui de l’absurde perdu quelque part entre l’héroïque et l’ubuesque. À la galerie Xippas, des personnages tout blancs, sans visage, en dessin ou en résine, se baladent. Ils ressemblent à des mimes, un peu Marceau dans les gestes. « Ma récente participation à la conception d’un spectacle de danse avec la chorégraphe Fanny de Chaillé [Passage à l’acte] m’a permis de me confronter à l’importance de la gestuelle et de l’attitude, explique l’artiste. Cette exposition prend aussi la suite de celle du Crac de Sète en 2011 «gardons nos illusions» ». On y retrouve d’ailleurs quelques pièces fortes, comme le portrait tragicomique ou la sculpture de ce dictateur déboulonnable aux genoux fragiles. Si Ramette s’est détaché pour un temps de la photographie et de ses mondes renversés, il reste accroché à la mise en scène.
Ombres blanches

Chez Xippas, il dirige des formes génériques qui semblent appartenir à la signalétique, au schéma, au résumé. Et ses silhouettes sont autant de moules, de réceptacles interprétant des poses « avec cette idée que chacun puisse s’y projeter, précise Ramette. » Des sculptures jouent alors les filles de l’air. Elles abandonnent leur socle pour se coller au plafond et épouser la couleur des murs, pour faire un petit somme, en toute discrétion ; ou contempler le monde et l’art d’en haut et réfléchir peut-être, à ce piédestal solitaire, un peu ridicule tout à coup, sans statue ni stature. Parfois, c’est au tour du support de désobéir et de faire naufrage, obligeant la sculpture à contrôler son inexorable chute. Et autour des ombres blanches en volume, il y a celles de papier, qui racontent en quelques traits, quelques mots, des légers fiascos, des loupés, des petites faiblesses humaines.

Embarrassés par le réel
« Je voulais montrer à quel point les dessins nourrissent mon œuvre et définissent l’ambiance périphérique de mon univers », raconte Philippe Ramette. Dans Procrastination à l’absurde, un homme est planqué derrière un rideau. Ses pieds dépassent outrageusement. Autour de lui, une table et du travail qui s’entasse. « C’est quelque chose que je pratique, dit l’artiste en souriant. Pour moi, la paresse n’est pas la fainéantise, elle est plus noble, elle se frotte à l’imaginaire. » Un dessin plus loin, un personnage en proie au doute extrême se demande quel chemin de vie il doit choisir, c’est L’hésitation métaphysique. Posté devant une dizaine de panneaux de signalisation n’indiquant que du vide, il reste ébahi, un point d’interrogation planté au-dessus de sa tête. Les figures de Philippe Ramette sont souvent des rêveurs embarrassés par le réel, en quelque sorte des incompris, qui inventent des défis d’enfants, se perdent, se cachent ou ratent le coche, un amour, une idée.

« Une carrière saine »
Les collections publiques et privées françaises aiment beaucoup les contemplations décalées de Ramette. « Philippe a une carrière saine et un marché solide en France », ajoute Renos Xippas, son galeriste depuis plus de dix ans. « Ses collectionneurs ont pour la plupart un regard sur l’art qui n’est pas tourné vers le glamour ou la mode » comme par exemple Sylvio Perlstein, grand fidèle de l’artiste. Xippas, qui vient récemment d’ouvrir sa deuxième galerie en Uruguay entend placer son poulain sur un marché plus international et notamment celui de l’Amérique latine. « À partir du 11 mai, Philippe bénéficiera d’une grande exposition au Musée National de Montevideo », indique le galeriste. En attendant, direction l’Asie où Philippe Ramette expose jusqu’en avril à Bangkok, avec le soutien de l’Institut Français, une série de photographies qui ont fait sa renommée ; celles où, tiré à quatre épingles dans son costume noir, il renversait les ciels et les mers. « Si le monde n’a vraiment aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? » s’interrogeait déjà l’Alice de Lewis Carroll.

PHILIPPE RAMETTE

Prix : dessins : 3 000 euros, sculptures : 60 000 à 95 000 euros

Philippe Ramette, jusqu’au 31 mars 2012, Galerie Xippas, 108, rue vieille du temple 75003 Paris, tél. : 01 40 27 05 55, www.xippas.com, mardi-vendredi 10h-13h et 14h-19h, samedi 10h-19h

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : Les silhouettes de Philippe Ramette

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