Dijon

L’hybridation comme expérience du monde

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 28 février 2012 - 453 mots

L’esthétique populaire et le multiculturalisme fondent l’œuvre de Luigi Ontani actuellement exposé au Consortium de Dijon.

DIJON - Exposer Luigi Ontani ne consiste pas seulement à déployer ses travaux dans un espace, mais revient également à exposer l’artiste lui-même, omniprésent dans son œuvre multiforme. Et, affirmer qu’avec lui, l’acte artistique s’accomplit dans une forme d’incarnation, relève en outre du doux euphémisme. Figure inclassable, l’artiste italien né en 1943 affiche toujours une ligne de jeune homme et une apparence de dandy un rien facétieux ; un brin d’humour pince-sans-rire semble caractéristique tant du personnage que de l’œuvre complète. Si c’est la remise en scène de chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art – Guido Reni, Manet, David, Raphaël… – en version photographique, dans laquelle il apparaît le plus souvent dénudé afin de se libérer des contraintes du quotidien, qui l’a fait connaître dans les années 1970, sa pratique se montre bien plus complexe. Porté par la performance, son travail s’accomplit également dans une sculpture, en céramique le plus souvent, aux référents culturels toujours appuyés et affichant une esthétique sucrée et décalée que d’aucuns qualifieraient de kitsch, non sans procéder là à un contresens. Car basé sur la mémoire et le souvenir, qui précisément donnent corps à des réinterprétations spontanées, l’œuvre d’Ontani repose sur deux composantes imbriquées que sont l’esthétique populaire et un multiculturalisme, ici traduit par une hybridation lui conférant forme et substance. Infatigable voyageur, l’artiste s’est très tôt frotté à de nombreuses cultures, asiatiques notamment. En témoigne en bout de parcours un mur peint sur lequel sont dispersés une trentaine de clichés colorisés à la main, fruits de différents séjours en Inde, où sur chacun d’entre eux sont revisités mythes et fondements de la culture indienne.

Frappante est également dans l’exposition la présence de nombreux masques, que n’explique pas seulement un goût assumé pour la commedia dell’arte. Véritablement hybrides, et pour beaucoup inspirées par la culture balinaise, ces figures interrogent autant le rituel que la manifestation et la signification culturelle des idoles. Par-delà, tout comme dans les travaux photographiques, sont approchées dans une adresse conjointe à l’Orient et à l’Occident les problématiques de l’identité et de ses limites.

Très anticipatrice des questionnements liés à la mondialisation qui allaient émerger dans les années 1990, l’œuvre de Luigi Ontani, grâce à la traversée des nombreuses cultures qu’elle convoque, donne naissance à un réjouissant théâtre de la vie infusée dans l’art, dont la raison d’être tient dans la considération des altérités.

LUIGI ONTANI

Commissaires : Andrea Bellini, directeur du Castello di Rivoli, et Xavier Douroux, co-directeur du Consortium Nombre d’œuvres : 60

Jusqu’au 25 mars, le Consortium, 37, rue de Longvic, 21000 Dijon, tél. 03 80 68 45 55, www.leconsortium.fr, tlj sauf lundi-mardi 14h-18h, vendredi 14h-20h. Catalogue à paraître

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : L’hybridation comme expérience du monde

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