Expérimentation

Naturalia/artificialia

Le Journal des Arts

Le 15 février 2012 - 546 mots

Karine Bonneval expose ses « hybridations » à la fois à la Maréchalerie de Versailles et à la galerie parisienne Martine et Thibault de la Châtre.

VERSAILLES, PARIS - Karine Bonneval, la quarantaine, est une « trafiqueuse » de plantes, vertes et d’intérieur. À la Maréchalerie de Versailles, elle expose ses « Phylloplasties », une serre contenant plus de 300 spécimens un peu spéciaux. En jardinière prométhéenne, elle a pratiqué des opérations esthétiques, inventé des extensions féminines sur végétaux. Résultat ? Philodendrons et ficus se coiffent de fausse fourrure, de plumes, de poils, s’habillent de col en dentelle, se parent de faux ongles ou de collier de perles. Karine Bonneval manipule le vivant, imagine des hybridations, ajoute à la nature des artifices, des « baroqueries ». « J’ai beaucoup joué sur l’anthropomorphisme avec les plantes, mais je me suis toujours intéressée à la question de l’hybride et du cabinet de curiosités, précise l’artiste, à la façon dont on ramène constamment la nature vers l’homme ou les objets du côté du vivant. L’hybridation se fait dans les deux sens. »

Machines fétiches
À Paris, la galerie Martine et Thibault de la Châtre présente, en écho à l’exposition versaillaise, une série de pièces datant de 2009, pour la plupart. Un moteur de Ford Mustang en porcelaine, posé au sol, se noie dans un champ de graines de tournesol et se gave comme une oie. « La question des agrocarburants m’a fait réfléchir sur la façon dont la nature était détournée de ses fonctions à des fins industrielles, explique l’artiste. Le moteur s’appelle «Granola», ce qui signifie «mangeur de céréales». Cette pièce concluait une série sur la fétichisation de l’automobile. Et donner à manger à une machine un aliment comestible, n’est-ce pas le summum de la fétichisation ? J’ai utilisé la porcelaine car ce matériau est, en Occident, le référent alimentaire. » Au mur, des petites voitures écrasées, en céramique, forment un bel embouteillage. Elles semblent sorties d’un cartoon. Traitées comme des gris-gris, des ex-voto, à la manière des porte-bonheur mexicains, les auto-tamponneuses aplaties sont épinglées, fragiles, mises en situation précaire. Elles font face à des collecteurs d’échappement de porcelaine, d’où débordent des plantes améliorées plongeantes, façon Bonneval.

En marge du marché de l’art et des circuits classiques, l’artiste est soutenue depuis 2001 par la galerie parisienne. « Elle a un parcours atypique, mais c’est une vraie personnalité et c’est aussi ce qui nous intéresse, lance Martine de la Châtre. Les pièces ici présentées sont très bon marché, [elles sont proposées] entre 400 et 8 000 euros pour le moteur. Des collectionneurs la suivent, la Fondation [d’art contemporain Daniel et Florence] Guerlain par exemple. » Au croisement des genres, de la nature et de l’artifice, les œuvres de Karine Bonneval tirent toute leur force de la beauté de ces ambiguïtés.

Gamme des prix : 400 à 8 000 €

KARINE BONNEVAL, HYBRIDES VEHICULES, jusqu’au 25 février, Galerie Martine et Thibault de la Châtre, 4, rue de Saintonge, 75003 Paris, tél. 01 42 71 89 50, www.lachatregalerie.com, du mardi au samedi 11h-19h.

KARINE BONNEVAL, JE CHERCHE DES PARFUMS NOUVEAUX, DES FLEURS PLUS LARGES, DES PLAISIRS INÉPROUVÉS, jusqu’au 17 mars, La Maréchalerie, centre d’art contemporain, 5, av. de Sceaux, Versailles, tél. 01 39 07 40 27, lamarechalerie@versailles.archi.fr, tlj sauf dimanche 14h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Naturalia/artificialia

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