FOCUS : Joan Miró (1893-1983) « Peinture » (1933)

« Cette série marque un tournant décisif dans la carrière de Miró et occupe un rôle fondamental dans la définition des canons modernistes, souligne Helena Newman, directrice du département pour l’Europe. Cette œuvre de qualité muséale est l’un des rares tableaux de cette série de grands formats à ne pas être conservé dans une institution. » D’autres œuvres de cette série font partie des collections du Museum of Modern Art de New York, de la National Gallery de Prague, du Kunstmuseum de Berne ou encore de la Fondation Joan Miró à Barcelone. Cette huile sur toile monumentale de 146,5 x 115 cm a figuré dans nombre d’expositions prestigieuses, depuis celle en 1935 de la galerie Pierre Matisse de New York sur le travail récent de Miró, jusqu’à la rétrospective parisienne que lui a consacré en 2004 le centre Georges Pompidou, lequel possède une autre toile de cette série. Dans les années 1930, Miró s’éloigne peu à peu de toute influence artistique et travaille sur des œuvres totalement novatrices, qu’il définit dans une lettre adressée à Pierre Matisse comme « un grand succès qui pourrait laisser une marque dans ma carrière ». La critique accueillit avec un enthousiasme sans précèdent ces peintures qui marquent une orientation décisive vers l’abstraction. Peinture porte le  langage artistique très personnel de l’artiste, à la fois abstrait dans les formes mais, également, nettement lisible pour le spectateur. Les œuvres de cette série s’inspirent d’un ensemble de collages que Miró réalisa simultanément. L’artiste a longtemps conservé le collage daté du 6 février 1933 qui lui a inspiré ce tableau, avant d’en faire don à la Fondation Joan Miró à Barcelone en 1976. Les œuvres de Miró de cette période charnière ont fortement influencé de nombreuses générations d’artistes, tel son ami proche Alexander Calder dont les sculptures ont été mises en parallèle avec les peintures de Miró, lors de l’exposition Calder/Miró en 2004 à la fondation Beyeler à Bâle (Suisse). On trouve aussi un écho des formes biomorphiques de Miró chez les Surréalistes, comme Yves Tanguy et Hans Arp.

Peinture est estimé 7 à 10 millions de livres sterling (8,5 à 12 millions d’euros). Autant dire qu’un nouveau prix record en vente publique est attendu pour l’artiste, après les 17 millions de dollars (11 millions d’euros) obtenus pour La caresse des étoiles, tableau de 60,3 x 69,3 cm peint en 1938, vendu le 6 mai 2008 à New York chez Christie’s. « Cette œuvre en a toutes les qualités, rappelle l’expert Samuel Valette. Parce que c’est une icône de l’art moderne classique, pour sa dimension poétique propre à Miró, par sa rareté, son format monumental et son état excellent. C’est un des plus importants tableaux de l’artiste à apparaître sur le marché depuis ces dix dernières années. »