L’ami américain

Les projets de Bernard Tschumi sont marqués de la culture de chaque pays

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 1 février 2012 - 711 mots

Quoique architecte, Bernard Tschumi fût, longtemps durant, considéré comme un enseignant, un analyste, un penseur de l’architecture. Quelqu’un qui publie mais ne construit pas. À 39 ans, en 1983, comme par jeu, il tente le concours du Parc de La Villette, opposant son projet aux 471 autres issus de 41 pays. Contre toute attente, cet homme seul, sans agence ni collaborateur, est déclaré lauréat du concours. Il lui faut, avant toute chose, monter une agence. Il en crée deux, l’une à Paris, l’autre à New York où il réside, et depuis ne cesse d’édifier dans le monde.

Gilles de Bure : Vous êtes né à Lausanne, avez très tôt enseigné à l’Architectural Association de Londres, été nommé très jeune dean (doyen) de la faculté d’architecture de la Colombia university, et résidez à New York. Quelle est votre nationalité, une question que beaucoup se posent ?
Bernard Tschumi : Français, avant toute chose ! Franco-Suisse pour être précis. Je suis binational. Mais en réalité, j’ai passé plus de temps en France, en Angleterre et aux États-Unis qu’en Suisse… Mais culturellement je suis Français. C’est pour moi une évidence.

G. de B. : Vous créez votre agence à Paris en 1983 à l’occasion de votre victoire au Parc de La Villette. Puis, cinq ans plus tard, en 1988, une autre à New York. Lorsque l’on fait appel à vous, c’est à l’architecte parisien ou à l’architecte new yorkais que l’on s’adresse ?
B. T. : Ni à l’un ni à l’autre, peut-être aux deux. En réalité, je pense que le choix se porte plus, comme pour les autres, sur un architecte à vocation internationale. Sans dénier la singularité de chacun, ce qui déclenche la demande, c’est la capacité de l’architecte à s’implanter partout et à prendre en compte chaque culture spécifique.

G. de B. : Ceci correspond à la belle définition de votre métier que vous donnez vous-même : « L’architecture n’est pas matérialisation des formes, mais matérialisation des idées. Une forme de connaissance et non une connaissance de la forme. »
B. T. : (rires) Si vous voulez, oui…

G. de B. : Revenons à votre double expérience. En France, il y a eu Paris, Le Fresnoy, Rouen, Limoges, Bordeaux, Alésia ; aux États-Unis, New York, Miami, Cincinnati... Des particularités à relever ?
B. T. : Oui, en France, on est architecte concepteur et architecte d’opération à la fois. Aux États-Unis, l’un ou l’autre. Pour ma part, j’y agis comme concepteur, et force m’est faite de m’adjoindre un executive (architecte d’éxécution) local. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les architectes américains. Les responsabilités sont partagées, donc allégées. Mais il faut savoir qu’outre-Atlantique, les plans ont valeur contractuelle, et qu’une fois acceptés, on n’y revient plus.

G. de B. : France et États-Unis, mais aussi Grèce, Suisse, Hollande, pour l’architecture, Abou Dhabi, Chine, pour l’urbanisme. Là encore des spécificités ?
B. T. : Oui et tant mieux ! Toutes ces différences nous permettent, à nous architectes, d’exploiter des champs plus vastes en matière de conception, d’imagination, d’adaptation et, parce que les réglementations sont avant tout culturelles, chaque situation provoque, entraîne une autre manière de faire de l’architecture. Cet exercice, avant tout intellectuel, est passionnant et stimulant.

G. de B. : Des projets en cours au grand large ?
B. T. : Oui, un passage surmonté d’un hôtel dans le centre historique de La Haye en Hollande ; un territoire urbain créé de toutes pièces en République Dominicaine dont l’immeuble phare, un centre d’affaires, est en cours ; une salle de concert à côté de Genève ; l’extension de la manufacture VacheronConstantin toujours à Genève ; un plan d’urbanisme pour Singapour…

G. de B. : Comment partagez-vous votre temps entre New York et Paris ?
B. T. : Je passe les deux tiers de mon temps à New York et un tiers à Paris. Je traverse l’Atlantique plus de 25 fois par an. D’ailleurs mes équipes comptent 30 personnes réparties pour deux tiers à New York et un tiers à Paris. Et dans les deux agences, la moitié des collaborateurs est composée d’étrangers, Européens et Chinois essentiellement.

G. de B. : De quelle façon se réparti votre volume d’activités et d’affaires entre ce qui est spécifiquement français et ce qui est à l’étranger, États-Unis compris ?
B. T. : Un tiers pour la France et deux tiers pour l’étranger.

Lire les autre articles du dossier du Journal des Arts numéro 362 « Les architectes français à l’assaut du monde » :

- Les Français visent le monde

- Neuf fois ailleurs

- L’herbe du voisin

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : L’ami américain

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