Les enchères stars de 2011

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 18 janvier 2012 - 1326 mots

Dans plusieurs domaines, des œuvres d’une qualité exceptionnelle et d’une grande fraîcheur ont atteint de nouveaux records, de New York à Paris. Les enchérisseurs chinois ont aussi marqué l’année 2011.

ART MEDIEVAL / PARIS

Groupe en ivoire sculpté représentant la Vierge à l’Enfant trônant, Paris, vers 1250-1280, hauteur : 37,8 cm, provenance : collection Marquet de Vasselot. Adjugé 6,3 millions d’euros, le 16 novembre 2011 à Paris chez Christie’s. Record pour une œuvre médiévale.

La meilleure enchère de Christie’s à Paris en 2011 revient à un chef-d’œuvre de la sculpture gothique en ivoire représentant la Vierge à l’Enfant trônant qui, à hauteur de 6,3 millions d’euros, représente un record mondial pour une œuvre médiévale aux enchères. « D’une taille exceptionnelle pour une sculpture en ivoire en ronde bosse (37,8 cm), cette œuvre réalisée très tôt, vers 1250-1280, provient certainement d’une commande importante, privée ou religieuse, qui n’a pas été établie même si par tradition on cite l’abbaye Saint-Michel de Frigolet, dans les Bouches-du-Rhône », rappelle Isabelle Degut, spécialiste en charge de la vente. Sa provenance prestigieuse, la collection Jean-Joseph Marquet de Vasselot, ajoutait à son intérêt. La complicité manifeste entre la Vierge et l’Enfant a suscité une grande émotion chez ceux venus l’admirer, alors que sa dernière exposition au public remonte à 1909, au Petit Palais à Paris. La sculpture a été emportée par le marchand londonien Sam Fogg contre une dizaine de sous-enchérisseurs, pour le compte d’une institution étrangère.

---------

ARTS D'ASIE / TOULOUSE

Détail du rouleau de La Grande Revue, 4e partie : Manœuvres, peinture sur soie d’époque Qianlong (vers 1747-1748), 242,1 x 69,2 cm. Adjugé 22 millions d’euros le 26 mars 2011,
SVV Labarbe, Toulouse. Meilleure enchère en France en 2011.

Conservé depuis un siècle par une famille du sud de la France, un rarissime rouleau impérial d’époque Qianlong portant une peinture impériale de plus de 24 mètres a été mis aux enchères le 26 mars, chez le commissaire-priseur toulousain Marc Labarbe. Ce dernier l’a adjugé 22 millions d’euros à un acheteur asiatique. C’est l’enchère la plus importante en France en 2011 et un record en France pour un objet d’art chinois. « L’acheteur l’a intégralement payé en trois mois », précise le commissaire-priseur. Les Asiatiques, emportés par le jeu des enchères, n’honorent pas toujours leur mise. Ainsi, le sceau en jade néphrite blanc d’époque Qianlong, vendu 12,4 millions d’euros le même jour, toujours à Toulouse mais par la SVV Chassaing-Marambat, n’avait toujours pas été réglé en totalité début janvier. Seuls 2,2 millions d’euros ont été avancés par l’acquéreur chinois. De même, trois jades de l’ancienne collection Paul-Louis Weiller dispersée à Drouot le 5 avril 2011 par la SVV Gros & Delettrez sont restés impayés, dont un rhyton en forme de queue de dragon adjugé 2 millions d’euros.

---------

ART AFRICAIN / PARIS

Figure de reliquaire byeri, Fang Mvaï, vallée du Ntem, Gabon, hauteur : 53 cm. Provenance : ancienne collection Pierre Guerre. Adjugée 2,5 millions d’euros, le 15 juin 2011, à Paris chez Sotheby’s. Record mondial pour une œuvre Fang Mvaï.

Sotheby’s France a encore porté très haut les valeurs de l’art africain en 2011, avec une enchère à 2,5 millions d’euros pour une figure de reliquaire byeri des Fang Mvaï du nord du Gabon. Inédite sur le marché mais plusieurs fois publiée, l’œuvre provenait de l’historique collection Pierre Guerre et était restée dans la même famille depuis sa collecte au tout début du XXe siècle. Elle a figuré dans l’exposition sur le « Primitivisme dans l’art du XXe siècle » organisée au Museum of Modern Art à New York en 1984. « Empreinte de force et de sérénité, cette figure représente un des styles les plus emblématiques de la statuaire africaine, lequel fut remarqué très tôt par les artistes modernes, note Marguerite de Sabran, directrice du département. Ce style Mvaï (peuple de la vallée du Ntem) est l’un des plus rares chez les Fang. Son corpus restreint comprend les sculptures des collections Ginzberg et White, respectivement conservées aux musées de Dallas et Seatle et probablement de la même main que celui-ci. » C’est le 8e prix pour une œuvre africaine aux enchères.

---------

ART D'APRES GUERRE / NEW YORK

1949-A-No. 1 (1949), Clyfford Still, huile sur toile signée et datée, 236,2 x 200,7 cm. Adjugée 61,7 millions de dollars (45 millions d’euros) le 9 novembre 2011, à New York chez Sotheby’s. Record pour l’artiste.

L’art d’après guerre a obtenu de très beaux résultats tout au long de l’année, y compris dans les ventes new-yorkaises du second semestre. La saison 2011 a été couronnée le 9 novembre chez Sotheby’s par un prix record de 61,7 millions de dollars (45 millions d’euros) pour un tableau de l’expressionniste abstrait américain Clyfford Still, dont les œuvres apparaissent très rarement sur le marché. Dans le but de constituer un fonds de dotation, quatre peintures de l’artiste avaient été mises en vente par la Ville de Denver (Colorado), légataire du fonds de l’artiste, en contrepartie de la création d’un musée à son nom, ouvert depuis le 18 novembre. Pour autant, la toile de Still n’est pas la plus haute enchère de l’année dans le monde. Selon Artprice, le plus haut prix en vente publique en 2011 revient à une encre sur papier intitulée Eagle Standing on Pine Tree et exécutée par l’artiste moderne chinois Qi Baishi, adjugée 370 millions de yuan (hors frais) – soit 57,2 millions de dollars, le 22 mai 2011 à Pékin chez Guardian Auctions, contre 55 millions de dollars (hors frais) pour 1949-A-No. 1 de Still. L’enchère record de 2011 a donc été frappée en Chine continentale, même s’il n’ y a aucune certitude sur son règlement par l’acquéreur.

---------

ART D'APRES GUERRE / PARIS

Nu couché (1954), Nicolas de Staël, huile sur toile signée, 97 x 146 cm. Adjugée 7 millions d’euros, le 6 décembre à Paris chez Artcurial. Record pour l’artiste.

Après avoir vendu à un amateur américain, le 29 mai 2011, une marine de Lyonel Feininger pour 5,7 millions d’euros (le troisième plus haut prix pour l’artiste), Artcurial a décroché de nouveau une enchère internationale pour Nu couché (1954) de Nicolas de Staël, une toile adjugée à un collectionneur américain au prix record de 7 millions d’euros. Staël a peint très peu de nus, une vingtaine sur les quelque 1 100 tableaux qui sont recensés dans le catalogue raisonné de l’artiste. « C’est l’œuvre d’art la plus chère vendue à Paris en 2011 », se félicite Artcurial, qui souhaite démontrer que les maisons de ventes anglo-saxonnes, quand elles placent les chefs-d’œuvre de l’art moderne et d’après-guerre à Londres ou New York, privent la place de Paris de belles enchères. En 2010, une Tête sculptée d’Amedeo Modigliani, estimée au mieux 6 millions d’euros, s’est envolée à 43,2 millions d’euros à Paris chez Christie’s, qui n’a cependant pas réitéré depuis l’expérience de proposer de l’art moderne majeur en France.

---------

PHOTOGRAPHIE / NEW YORK

Rhein II (1999), Andreas Gursky, tirage couleurs monté sur Plexiglas, signé au dos et numéroté 1 sur une édition de 6, dimensions : 207 x 385,5 x 6,2 cm. Adjugé 4,3 millions de dollars (3,1 millions d’euros), le 8 novembre chez Christie’s New York. Record pour l’artiste et pour une photographie vendue aux enchères.

Avec ses grands formats, la photographie plasticienne séduit les collectionneurs d’art contemporain. La preuve le 8 novembre dernier à New York chez Christie’s où un paysage abstrait monumental de 1999 réalisée par l’Allemand Andreas Gursky est parti à 4,3 millions de dollars (3,1 millions d’euros), un record pour une photographie aux enchères. Le précédent record pour une photographie avait été établi par un autoportrait de 1981 réalisé par l’Américaine Cindy Sherman sur une enchère de 3,89 millions de dollars, le 11 mai 2011 à New York, toujours chez Christie’s. Le précédent record pour Gursky remontait à une vente du 7 février 2007 à Londres chez Sotheby’s où le diptyque 99 Cent II (2001) avait atteint 1,7 million de livres sterling (2,6 millions d’euros).

---------

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Les enchères stars de 2011

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque