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Promotion immobilière

Saint-Cloud menacé

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 17 janvier 2012 - 798 mots

SAINT-CLOUD [20.01.12] - Longtemps préservé des appétits immobiliers, le domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) est menacé par le nouveau plan local d’urbanisme de la Ville. Plus d’un tiers de ses 460 hectares pourraient être occupés par des bâtiments de dix mètres de hauteur ainsi que par des places de parking. PAR SOPHIE FLOUQUET

Préservé durant des siècles des appétits immobiliers, les 460 hectares paysagers du domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), qui ont jusque-là conservé leur ordonnance Le Nôtre, pourraient faire l’objet d’une amputation foncière assez sévère. C’est ce qu’indique le projet de plan local d’urbanisme (PLU), destiné à remplacer l’ancien plan d’occupation des sols, arrêté par le député maire Éric Berdoati (UMP) et son conseil municipal le 17 novembre 2011. Ce nouveau projet, qui sera soumis à enquête publique très prochainement, prévoit en effet le classement en « zone UL » de plus d’un tiers du domaine. Celui-ci était auparavant classé « N », c’est-à-dire espace naturel protégé. S’il semble a priori anodin, ce nouveau zonage, qui destine le site à recevoir des équipements « de loisirs et de sport », autorisera la construction de bâtiments de 10 mètres de hauteur, mais aussi l’implantation de places de parking, sans limitation en nombre. Une manière d’autoriser un mitage progressif du parc. « Ces modifications ouvriraient des droits théoriques permettant de construire sur dix mètres de hauteur l’équivalent de dix fois la superficie de la caserne Sully », explique un responsable de l’association Aimer vivre à Saint-Cloud, qui a lancé, avec un collectif d’associations, la fronde contre ce projet de PLU. La caserne Sully, construite sous Charles X, est elle aussi concernée par ce projet, le bâtiment étant en cours de cession par les services de France Domaine. Une aubaine car le projet de PLU la classerait en « zone UF » (en « zone plurifonctionnelle à dominante d’activités », selon la municipalité de Saint-Cloud), ce qui permettrait d’y doubler le coefficient d’occupation des sols. Sachant qu’une gare du « Grand Paris » pourrait être implantée à proximité, le devenir de la caserne – que le ministère de la Culture aurait tenté en vain de classer au titre des monuments historiques en 1994 – est des plus incertains. Autre élément du PLU : l’aménagement, du côté de la Cité de la céramique à Sèvres, de 7 000 mètres carrés en aire d’accueil pour les gens du voyage.

Reste une question clef : comment ces projets sont-ils envisageables alors que le domaine, ayant appartenu à la Couronne, est protégé au titre des monuments historiques ? Les responsables du ministère de la Culture, de la Rue de Valois au service départemental de l’architecture et du patrimoine où officient les architectes des Bâtiments de France (ABF), se refusent à toute explication, de même que le domaine national de Saint-Cloud, géré par le Centre des monuments nationaux – organisme bien connu d’Éric Berdoati pour avoir été rapporteur de la commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État. Mais l’absence de l’ABF, qui n’a toujours pas notifié son avis sur le PLU, a été remarquée au cours de l’une des dernières commissions extra-municipales d’urbanisme.

Les associations locales dénoncent de leur côté les méthodes municipales. À la suite d’une distribution de tract exposant les projets de PLU, un responsable a dû répondre d’une convocation par les forces de l’ordre, le maire ayant déposé plainte pour diffamation. Celle-ci a été classée sans suite. Les opposants à ce PLU, qui dénoncent par ailleurs quelques projets de démolition de constructions remarquables, parmi lesquels la maison Grandval et l’hôtel Napoléon III, ne désarment pas. Une lettre ouverte a été adressée au maire – qui n’a pas trouvé le temps de répondre à nos sollicitations – et une pétition, soutenue par plusieurs associations nationales, circule. Fin décembre, une missive a également été adressée au ministre de la Culture. Restée elle aussi et pour l’heure sans réponse.

Aux mécènes, un PLU peu reconnaissant…

La lecture du projet de PLU de Saint-Cloud est décidément riche de surprises. Situé rue du Mont-Valérien, le parc des Tourneroches y est lui aussi classé en zone UL, ouvrant donc la possibilité d’y construire jusqu’à 10 mètres de hauteur et d’y aménager des parkings. Or ce bel ensemble de près de deux hectares, comprenant une villa et un parc ouvert au public, avec vue panoramique sur Paris, est entré dans le patrimoine de la Ville dans le cadre de deux donations des époux Debat. La première, en 1980, a été confirmée en mai 2001 par Pernette Debat après le décès de son époux. Sous réserve cependant que le caractère perpétuel d’inconstructibilité du parc et sa vocation d’espace vert soient préservés. En l’état, le projet de PLU serait donc contraire à cette donation. Au risque d’en provoquer la révocation.

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La Grande Cascade du domaine national de Saint-Cloud. © Photo : DNSC/CMN.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Saint-Cloud menacé

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