Grenelle

Bataille perdue

L’architecte des Bâtiments de France voit son pouvoir affaibli

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 17 janvier 2012 - 457 mots

PARIS - L’épilogue est acté. Le décret d’application du 19 décembre 2011 rend désormais obligatoire la transformation, avant le 14 juillet 2015, des quelque 650 ZPPAUP (zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) existantes en Avap (aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine).

Jugé trop contraignant par les élus, surtout pour son contrôle exercé par l’architecte des Bâtiments de France (ABF), ce dispositif était dans la tourmente depuis 2009. Le « Grenelle de l’environnement » aura permis à certain élus, Christian Jacob (député maire de Provins) en tête, de porter le fer, la bataille s’étant soldée par la rédaction de l’article 28 de la loi du 12 juillet 2010 qui porte engagement national pour l’environnement (Grenelle II), inscrit dans le Code du patrimoine (art. L. 642-1 à L. 642-10). Les décrets d’application étaient toutefois restés en attente.

Largement inspirée des ZPPAUP – tout en y adjoignant une dimension « développement durable » –, la création des Avap entérine avant tout un affaiblissement du pouvoir de contrôle des ABF. Ces derniers auront pourtant échappé, après intervention du Conseil constitutionnel et du Sénat, à une suppression pure et simple de leurs « avis conformes ». Ne disposant que d’un mois pour statuer sur les autorisations de travaux et permis de construire, les ABF doivent accélérer le traitement des dossiers. Car tout silence vaut désormais approbation. Idem pour le préfet de Région, chargé de trancher sur les désaccords avec l’avis des ABF, qui doit statuer dans un délai de quinze jours à un mois. Là encore, le silence vaut annulation pure et simple de l’avis de l’ABF, de sorte que nul ne saura si cette décision est due à une lenteur administrative, à une décision motivée ou à un refus de fâcher un édile.

Nouveau signe d’affaiblissement de la Rue de Valois, le texte modifie également la possibilité d’en appeler au ministre de la Culture dans le cas d’un litige associé au champ de visibilité des monuments historiques et aux secteurs sauvegardés. Le changement de sémantique instauré par ce texte – de « protection du patrimoine » à « mise en valeur » – semble ici bien lourd de sens.

Constitutionnalité

L’inscription au titre des monuments historiques n’est nullement synonyme de privation du droit de propriété. C’est ce que vient de rappeler le Conseil constitutionnel le 16 décembre 2011. Saisi le 17 octobre 2011 d’une question prioritaire posée par la société Grande Brasserie Patrie Schutzenberger, le Conseil a réaffirmé la constitutionnalité de cette protection juridique, estimant que « les dispositions contestées ne portaient pas une atteinte disproportionnée aux conditions d’exercice du droit de propriété ». Fermée depuis 2006, l’ancienne brasserie située à Schiltigheim est l’un des derniers exemples représentatifs de la période d’industrialisation des brasseries alsaciennes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Bataille perdue

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