Photo

Paris atemporel

Patrick Faigenbaum s’expose au Musée de la Vie romantique

Par Françoise Chaloin · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2011 - 577 mots

PARIS - Si Patrick Faigenbaum s’est fait connaître dans les années 1980 par ses portraits photographiques, « Portraits d’empereurs romains » et portraits de famille de l’aristocratie italienne, c’est une forme d’autoportrait qu’il a composée au Musée de la vie romantique, à Paris, à travers une cinquantaine de photographies dont l’époque et le lieu sont liés à sa biographie, de 1972 à 2011.

Mêlant les genres du portrait, du paysage urbain et de la nature morte, juxtaposant la couleur et le noir et blanc, se jouant de l’anachronisme, l’accrochage relate toutefois une autre histoire que la relation de l’auteur à sa mère, qui apparaît à plusieurs reprises dans le parcours, ou la sociologie des cités limitrophes de Paris, d’Orly-Ville à Montreuil.

Certes, quelque chose nous est bel et bien restitué de cette intimité pour la figure maternelle, photographiée quelque quarante ans auparavant s’activant dans son magasin de confection de la rue de la Chaussée-d’Antin. Son visage sculptural et sans fard est aujourd’hui le point focal d’une série de clichés, quand ce n’est pas le volume de son dos, nu, qui emplit de toute sa hauteur le format de la photo. Comment ne pas percevoir également l’ambiance crue et colorée du marché de Rungis ou celle de la gare du tramway de Saint-Denis, dans cette image animée des visages d’une population d’origine africaine ?

Manet et Courbet
Chaque fois Faigenbaum semble trouver le « point de vue » le plus adapté à son sujet, cadrage ou luminosité qui découlent du choix géographique. Ainsi de cette perspective tracée depuis la terrasse du château de Saint-Germain-en-Laye jusqu’à la Défense, ou de ce portrait de groupe dans la lumière rosée d’un soir d’été à Barcelone, une jeune femme se tenant debout un éventail à la main devant un couple sur un banc, leurs emplettes posées à côté. L’artiste ne revendique-t-il « une certaine proximité » avec son sujet ? Chaque fois pourtant il s’en éloigne, s’en extrait, et l’image trouve par là une autre temporalité. Les portraits de Suzanne Faigenbaum rejoignent alors ceux parfois flous et vibrants de la vieille Salvatorica, mais aussi des jeunes femmes assises à une table, statiques, dont la posture et le regard disent l’attente et une certaine absence propre aux personnages de Manet. Car le photographe a longtemps regardé la peinture, et celle-ci ne transparaît pas seulement dans ces vigoureuses natures mortes de citrons, figues ou pommes de pin. Sa vision du parc des Buttes-Chaumont, par exemple, une paroi rocheuse aux tonalités vert sombre, rouge et jaune, rappelle étrangement les grottes de Courbet.

Son recours tardif à la couleur (à partir de 1996 seulement) n’a jamais fait renoncer Faigenbaum au noir et blanc, aux valeurs du gris plus précisément, l’absence de contrastes favorisant le modelé subtil des formes. Le gris, très sombre et pourtant lumineux dans le Bassin de la Villette depuis l’atelier, sera à l’inverse très clair dans ses vues architectoniques et paraissant d’un autre temps de l’université de Nanterre. Cette façon de « faire tableau » à partir d’un visage, d’une vue urbaine ou d’une rose donne toute sa cohérence à cette « esquisse biographique » (1).

PATRICK FAIGENBAUM, PHOTOGRAPHIES, PARIS PROCHE ET LOINTAIN

Jusqu’au 12 février 2012, Musée de la Vie romantique, 16, rue Chaptal, 7009 Paris, tél. 01 55 31 95 67, tlj sauf lundi et jf 10h-18h. Catalogue, 25 €, ISBN 978-2-7596-0176-9. Également, jusqu’au 22 janvier au Point du Jour, 107, av. de Paris, à Cherbourg- Octeville, tél. 02 33 93 52 02.

Note

(1) d’après le titre du texte, par Jean-François Chevrier, du catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Paris atemporel

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