Cambodge

Graines de photographes

Par Fabien Simode · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2011 - 700 mots

« PhotoPhnomPenh », le festival de photographie cornaqué par l’Institut français au Cambodge, forme une génération de photographes locaux.

PHNOM PENH - Quel intérêt y a-t-il à parcourir les près de 10 000 km qui séparent Paris de Phnom Penh, la capitale du Cambodge, pour aller voir de la photographie ? A priori aucun. A priori seulement, car le festival PhotoPhnomPenh, organisé par l’Institut français depuis 2008 dans l’ancien protectorat français, se veut radicalement différent des autres.

Ce n’est pas dans la recette qu’il faut rechercher son originalité. Avec une multiplicité d’expositions disséminées dans la ville, dispositif complété par des projections et des rencontres, PhotoPhnomPenh s’apparente à ses homologues, d’Arles à Bamako (Mali). La singularité du festival est davantage à goûter dans ses ingrédients, à commencer par son programme largement constitué de photographes cambodgiens. Si aucun nom ne vient à l’esprit occidental, à l’exception de celui de Mak Remissa, qui fut l’un des inspirateurs du festival, c’est que le Cambodge n’a, pendant longtemps, plus compté de photographes.

« Lorsque j’ai découvert ce pays en 1992, je n’aurai jamais imaginé pouvoir y organiser un jour une exposition de photographie », a déclaré Christian Caujolle, fondateur de l’agence VU et directeur artistique de la manifestation, lors de la réception donnée par l’ambassadeur de France au Cambodge, Christian Connan. Et pour cause, quatre années de dictature khmère rouge ont fait, de 1975 à 1979, entre 1,7 et 2,2 million(s) de victimes.

Recherche d’identité
Vingt ans ont passé et Christian Caujolle en est à sa quatrième édition du festival, organisé cette année du 26 novembre au 3 décembre. Et son projet de voir émerger une nouvelle scène photographique, emmenée par l’Institut français, semble d’ores et déjà porter ses fruits. Quand, en 2009, PhotoPhnomPenh défendait difficilement quatre jeunes photographes aux côtés de treize internationaux, l’édition 2011 en présente huit nouveaux, dont la moitié d’un très bon niveau. Certains, comme Hong Menea (né en 1990), ont ainsi fait leur apprentissage dans l’atelier de Sovan Philong (né en 1986), lui-même révélation du festival en 2009. Formé au Studio Image de l’Institut français, seul lieu de la capitale consacré à l’apprentissage du médium, ce dernier ne cesse depuis de tracer son chemin à l’international : exposé cette année dans le cadre de Photoquai (Paris), il vient de rejoindre l’agence chinoise Xinhua après avoir fait ses classes au quotidien Phnom Penh Post. Philong, un mentor donc pour toute une génération qui, comme Menea au Phnom Penh Post, lui emboîte le pas.
Mais c’est Khvay Samnang (né en 1982) qui pourrait bien être le symbole du festival 2011. Pur produit de la logique PhotoPhnomPenh, celui-ci a commencé en 2010 une série dans le cadre du programme « Intersection » – qui permet à un photographe cambodgien de travailler avec un photographe étranger invité –, raison pour laquelle il serait étonnant que l’œuvre  ne voyage pas en Europe. Portraiturés un masque sur le visage, les voisins d’immeuble de Samnang en disent long sur leurs conditions de vie, comme sur la recherche d’identité d’un pays dissimulé derrière un masque de ballet, rare tradition khmère à n’être pas tombée dans l’oubli.

Pourtant l’ombre d’un nuage plane sur le festival. Les subventions de l’Institut, qui deviendra un établissement public à caractère industriel et commercial à partir de janvier 2012 pour une période-test de trois ans, ont été réduites par quatre depuis cinq ans, tandis que le fonds de réserve de l’ancien centre culturel français arrive à épuisement. Si le budget total de PhotoPhnomPenh reste dérisoire (120 000 euros, soit près de dix fois moins que le budget de la Biennale de Bamako), « il va falloir trouver des financements », s’inquiète Olivier Planchon, actuel attaché culturel français au Cambodge, qui souhaite néanmoins, avec le soutien de l’ambassadeur, « maintenir le festival dans son format actuel ». Quant à l’aide de 20 000 euros accordée en 2011 par le ministère français de la Culture, nul ne peut dire si elle sera reconduite l’an prochain. Or, dans un pays en reconstruction qui ne compte ni galeries, ni collectionneurs, ni mécènes, il faudra bien davantage que des bonnes volontés et une pépinière, même prometteuse, de talents pour pérenniser ce festival à l’ambition nécessaire pour tout un peuple.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Graines de photographes

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