Art moderne

Duo

Guillou / de Staël

Les débuts de Staël sous le regard de sa première compagne

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2011 - 429 mots

ANTIBES - Août 1937, un café près de la place Djemâa el-Fna à Marrakech. Nicolas de Staël (23 ans), qui séjourne au Maroc depuis quelques semaines en quête d’images et de lui-même, remarque une jeune femme attablée en compagnie d’hommes.

Il s’agit de Janine Guillou (28 ans), peintre elle aussi, qui bourlingue de bled en bled avec mari et enfant. Coup de foudre. Elle quitte son mari, fait raccompagner son fils en Bretagne et ne quittera plus Nicolas. Le couple prend son temps pour rentrer à Paris en passant par l’Italie. Survient la guerre, de Staël est incorporé dans la légion étrangère avant d’être très vite démobilisé. Ils s’installent à Nice. Jeannine (qui a changé l’orthographe de son prénom) vend quelques peintures. Mais ce n’est pas assez pour vivre, d’autant qu’entre-temps naît leur fille Anne. Alors ils remontent à Paris où leurs conditions ne s’améliorent guère. En 1946, Jeannine, de santé fragile, décède à la suite d’un avortement thérapeutique.

Couple de peintres
Jean-Louis Andral, le directeur du Musée Picasso d’Antibes, a voulu réaliser le pendant de l’exposition de 2005 sur les travaux de Nicolas de Staël pendant son court séjour à Antibes, avant que le peintre ne se donne la mort en mars 1955. Les deux bornes d’un chemin qui conduit le peintre russe, constamment en recherche, d’une peinture sourde et saturée de motifs à des toiles lumineuses et minimalistes. La première séquence, celle des années communes avec Jeannine, entre 1937 et 1946, n’est pas moins intéressante. Il est toujours réjouissant de repérer les influences et les germes de l’identité d’un artiste quand on connaît la fin du film. En ce sens, le compagnonnage artistique entre Jeannine et Nicolas n’est pas le plus fécond. Si l’un et l’autre saturent la toile tout en gardant un pied dans le réel, seul Nicolas s’aventure vraiment dans la dilution du sujet. Les œuvres de Jeannine exposées dans les premières salles révèlent un travail solide dont on se plaît à imaginer rétroactivement l’évolution. C’est peut-être plus du côté d’Alberto Magnelli, réfugié à Grasse pendant la guerre avec ses amis peintres (également exposés à Antibes) qu’il faut chercher des influences. Les petites salles rénovées du musée constituent autant de jalons dans cette histoire d’un couple de peintres qui méritait d’être racontée.

LA RENCONTRE. NICOLAS DE STAËL, JEANNINE GUILLOU, LA VIE DURE

Commissaires d’exposition : Jean-Louis Andral et Daniel Abadie
Nombre d’œuvres : env. 70

Jusqu’au 8 janvier 2012, Musée Picasso, château Grimaldi, place Mariejol, 06600 Antibes, tél. 04 92 90 54 20, tlj sauf lundi, 10h-12h/14h-18h. Catalogue SilvanaEditoriale, 144 p., 25 €, ISBN 978-8-83662-091-3.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Guillou / de Staël

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