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Une grotte Chauvet-« bis »

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2011 - 877 mots

VALLON-PONT-D’ARC

Tandis que l’État prépare la candidature de la grotte Chauvet à son inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, un fac-similé de la cavité est en cours de construction à quelques kilomètres du site original. Les trois milles mètres carrés restitueront au public une copie des chefs-d’œuvre de l’art pariétal découverts en 1994.

VALLON-PONT-D’ARC (ARDECHE) - Après l’annonce, le 21 novembre, du choix du gestionnaire du futur fac-similé de la grotte Chauvet – la société Kléber-Rossillon, qui assurera cette exploitation dans le cadre d’une délégation de service public –, le projet a été officiellement présenté le 6 décembre à Paris, au Musée du quai Branly. Étaient présents les représentants des différentes parties prenantes, outre l’État : Pascal Terrasse, président du conseil général et député de l’Ardèche ; Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes ; Jean-Michel Geneste, directeur des recherches scientifiques ; Dominique Baffier, à la tête du service de la conservation de la grotte ; Marc Ladreit de Lacharrière, président de l’Association des amis pour la mise en valeur du site. L’occasion, également, d’annoncer la candidature de la grotte découverte en 1994 à l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Déjà classée au titre des monuments historiques pour ses peintures et gravures vieilles de 30 000 ans, la grotte, interdite au public pour des raisons de conservation, devrait rejoindre la Liste de l’Unesco en 2013. En janvier 2012, le ministère de la Culture se saisira du dossier avant que l’Icomos (Conseil international des monuments et des sites) ne bénéficie d’un délai de près de dix-huit mois pour étudier cette candidature. Pour Pascal Terrasse, il s’agit de « protéger la grotte évidemment, mais aussi l’ensemble du site ».

Au millimètre près
À sept kilomètres de l’originale, une réplique de la cavité doit être construite sur les hauteurs de Vallont-Pont-d’Arc, sur le site du Razal, d’ici à 2014 ; cette date correspond au vingtième anniversaire de son invention par Jean-Marie Chauvet, Christian Hillaire et Eliette Brunet. Les principales figures animales ainsi que les éléments paléontologiques découverts à l’entrée et dans le fond de la cavité – laquelle totalise une surface de 8 500 m2 – doivent être restitués dans un espace de 3 000 m2. Ce dernier a été imaginé par les architectes du cabinet Fabre/Speller (Clermont-Ferrand) et l’atelier 3A (Ardèche), associés, pour la scénographie, à l’agence parisienne Scène. Les architectes ont conçu cinq pôles distincts : la réplique, mais aussi un centre de découverte autour des hommes préhistoriques, de l’art pariétal et du territoire de l’Ardèche développé sur 830 m2 d’exposition permanente, sans oublier un pôle pédagogique, un espace événementiel et un restaurant, le tout réparti sur une dizaine d’hectares. Formant une structure éclatée qui reprend la forme d’une patte d’ours, les bâtiments seront construits au ras du sol et dotés de toitures végétales pour s’intégrer discrètement au site.

Dans les tuyaux depuis 2000, le projet global est aujourd’hui estimé à 93 millions d’euros, apportés principalement par la Région et le Département avec l’aide de l’État et de l’Union européenne, dont 45 millions pour la seule réalisation du fac-similé. Les images pariétales seront reproduites à l’identique sur des parois de béton et résine par des artistes peintres qui travaillent d’ores et déjà d’après des relevés numériques. La grotte a été en effet entièrement scannée pour l’élaboration d’un modèle numérique en 3D reprenant les volumes originaux au millimètre près. Les visiteurs pourront découvrir les copies des panneaux des chevaux (qui galopent sur sept mètres de long), des félins de la salle du fond dont la composition joue avec les reliefs de la paroi, de la fameuse panthère ou du hibou gravé… Mais ce n’est pas tout : pour « ressentir les différentes sensations de la grotte », les architectes ont aussi imaginé une « mise en contexte » avec sensation de fraîcheur, d’humidité, de silence et d’obscurité.

Éloigné de toute considération scientifique, ce dernier chapitre laisse dubitatif nombre de spécialistes de l’art pariétal et préhistoriens, qui redoutent une dérive vers le parc d’attraction. Lors de rencontres organisées en 2003 par le Pôle international de la préhistoire (lire le JdA no 177, 26 septembre 2003), ceux-ci avaient déjà émis des réserves quant au projet de fac-similé de la grotte Chauvet. En effet, si la grotte de Lascaux, de plus petites dimensions, se prêtait particulièrement bien à une réplique, la grotte Chauvet serait trop grande pour que sa réplique n’offre pas une vision tronquée de la réalité.

Destination culturelle
Pragmatique, Pascal Terrasse se félicite que le projet soit « un formidable outil de développement économique et touristique ». Entre 300 000 et 400 000 visiteurs y sont attendus par an. Dans ce contexte d’émulation, le contrat État-Région signé pour la période 2007-2013 vise à faire de l’Ardèche une destination culturelle de premier plan tandis que le conseil régional a lancé son « Grand Projet Rhônes-Alpes » (GPRA) destiné à valoriser les activités locales et développer d’autres activités économiques, notamment autour de l’imagerie 3D et de l’enseignement supérieur et de recherche. Le Premier ministre, François Fillon, devrait avoir très prochainement le privilège de visiter la grotte originale où les scientifiques ne sont pas habilités à travailler plus de 60 heures par an en raison du taux très important de gaz carbonique, et de la diffusion d’un gaz radioactif.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Une grotte Chauvet-« bis »

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