Caen

Munch angoissé

Un dialogue fructueux entre les peintures et gravures de l’artiste

Par Suzanne Lemardelé · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2011 - 555 mots

CAEN - La Norvège, la mélancolie, la mort, le couple, la femme, l’angoisse. À rebours de l’exposition du Centre Pompidou, à Paris, qui s’attache à déceler la modernité du peintre norvégien, le Musée des beaux-arts de Caen (Calvados) choisit pour sa part d’explorer six thèmes qui hantent toute la vie et l’œuvre de Munch.

La Norvège, c’est ce « drôle de pays », comme il l’appelle, où il organise sa première exposition personnelle en 1889. Où la côte désolée aux rochers gris lui inspire Mélancolie, dont les versions peintes et gravées ouvrent l’exposition. C’est cette patrie qu’il quitte un temps pour Paris, grâce à une bourse d’études. Quelques toiles rappellent cette période peu connue de son travail, une étape pleine de lumière, quand il étudiait dans l’atelier de Léon Bonnat et s’essayait à la révolution impressionniste.

« Ennemies de l’humanité »
Mais les ténèbres rattrapent vite cet angoissé, hanté par les deux « ennemies de l’humanité » qu’il dit avoir reçues en héritage : la tuberculose et la maladie mentale. Traumatisé par la mort de sa sœur, tourmenté par « ce combat entre l’homme et la femme qu’on appelle l’amour », Munch exorcise ses démons toute sa vie, sur la toile, mais aussi dans le cuivre et dans le bois.

Cette complémentarité entre œuvre peint et gravé est au cœur de l’exposition. Munch découvre la gravure à Berlin, mais c’est à Paris qu’il commence réellement à la pratiquer. Autodidacte, il s’essaie d’abord à la lithographie, toujours pour illustrer ses thèmes de prédilection. Différentes versions de La Madone ou de L’Enfant malade ainsi qu’une lithographie du Cri illustrent cette propension à la répétition. Il en réalise divers tirages, variant les rehauts de couleur au gré de ses humeurs. Mais c’est dans la gravure sur bois que l’artiste trouve le mode d’expression le plus à même de synthétiser ses obsessions. Les qualités plastiques du matériau, ses veines et ses nœuds sont autant d’aspérités qui accentuent la force de ses motifs. Le « baiser », thème qu’il travaille depuis 1897, en est le parfait exemple. Rare image positive d’un couple fusionnel jusqu’à ne plus composer qu’une forme unique, le motif acquiert avec la gravure sur bois une expressivité et une universalité nouvelle.

Une leçon que retiennent les expressionnistes allemands, parmi les premiers à collectionner les gravures de Munch. Ce goût pour les estampes de l’artiste est également à l’origine de la collection Gundersen, commencée dans les années 1990. On lui doit les cinquante gravures de l’exposition, présentées pour la première fois hors de Norvège. Les quinze toiles sont quant à elles empruntées au Kunstmuseum de Bergen. Deux prêteurs pour une présentation très concise, organisée dans un parcours qui tient en deux salles. Si elle balaie les différents thèmes de l’œuvre de Munch, l’exposition n’est pas une rétrospective et n’en a pas l’ambition. Point d’orgue du vingtième festival Les Boréales, qui célèbre depuis 1992 la culture nordique en Basse-Normandie, elle offre un face-à-face pertinent entre deux formes d’expression, une plongée dans l’univers décidément bien sombre du plus célèbre peintre scandinave.

L’UNIVERS D’EDVARD MUNCH

Commissariat : Patrick Ramade, conservateur en chef du patrimoine, directeur du Musée des beaux-arts de Caen
Nombre d’œuvres : 65
Scénographie : Didier Blin

Jusqu’au 22 janvier 2012, Musée des beaux-arts de Caen, Le Château, 14000 Caen, tél. 02 31 30 47 70, www.mba.caen.fr, tlj sauf mardi 9h30-18h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : Munch angoissé

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