Les Maoris, entre passé et présent

Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2011 - 631 mots

Le Musée du quai Branly accueille les Maoris en exposant leurs œuvres d’art dans un parcours passionnant et instructif.

Présentée en Nouvelle-Zélande au printemps, l’exposition du Musée du quai Branly a été conçue et créée par des Maoris : là réside tout l’intérêt de l’entreprise. Décentrer le regard occidental en s’affranchissant des critères classiques de l’œuvre d’art, montrer une culture vivante en lutte pour son indépendance et sa sauvegarde.

Le principe même de « Maori, leurs trésors ont une âme » repose sur le précepte du « Tino Rangatiratanga », le contrôle des Maoris sur toute chose maorie, présenté dès le début du parcours par une courte introduction. Sous souveraineté britannique depuis 1840, le peuple maori a vu l’annexion massive de ses terres au long du XIXe siècle et le déclin de sa culture jusque dans les années 1960. Depuis, la langue, la culture et l’art maoris sont devenus des enjeux de sauvegarde d’une culture menacée. Pour Michele Hippolite, chef maori et co-commissaire de l’exposition, il fallait « montrer ce que cela implique d’être Maori, de continuer à développer un art et une culture à l’épreuve du temps qui passe ».On comprend alors mieux le déroulement du parcours, qui mêle œuvres du passé et art contemporain. Les liens entre familles et tribus, la navigation, la maison de réunion, l’art du tatouage ou la langue maori y sont mis en lumière grâce à des cartels intelligents et étonnamment accessibles malgré l’emploi fréquent de termes spécifiquement maoris. Il en va ainsi de la partie sur l’utilisation de la pirogue ou « waka », qui présente des éléments d’une pirogue de guerre du XIXe richement ouvragée en contrepoint d’une pirogue de course moderne à balancier, fruit du travail d’ingénieurs néo-zélandais. Les deux présentent des ornements liés à la cosmogonie maorie, la séparation originelle entre le « père Ciel » et la Terre mère qui vit la création du monde des humains. Le dialogue entre trésors historiques et œuvres contemporaines se fait ici naturellement. Plus loin, la maison de réunion d’une tribu développe une architecture qui incarne le corps de l’ancêtre fondateur. Pièce maîtresse de l’exposition, la structure décorée d’entrelacs, de lignes courbes et ciselées symbolise la prospérité de la tribu, un refuge contre la perte progressive des rites et des traditions.

Le parcours présente aussi des « hei tiki », ces statuettes anthropomorphes portées en pendentif par les Maoris hommes et femmes. Trésors personnels des chefs, ces bijoux en pierre vertes sont porteurs de « mana », la puissance et l’autorité de leurs propriétaires successifs. Photographiés en 2002 par l’artiste maorie Fiona Pardington, ils interrogent la relation entre histoire de l’art et mémoire.

Les focus historiques ont quant à eux une dimension très politique : l’occupation de Bastion Point entre 1977 et 1978 révèle les luttes pour la récupération et la sauvegarde des parcelles de terres retirées aux tribus maories par le gouvernement néo-zélandais.

Parmi les objets les plus frappants figure le masque de Wiremu Te Manewha, une empreinte en plâtre exécutée aux alentours de 1885 du vivant de ce grand chef de tribu. Écho aux têtes maories que les musées occidentaux restituent aujourd’hui à la Nouvelle-Zélande, il est considéré par les descendants de sa famille comme un « masque vivant », un trésor entouré du plus grand respect : pour le faire venir à Paris, le Musée Te Papa a dû demander l’autorisation de sa tribu. Efficace, complexe et réfléchie, « Maori » dévoile des aspects peu connus d’un peuple en continuelle reconquête de son identité et de ses traditions.

MAORI, LEURS TRESORS ONT UNE AME

Commissariat : Musée Te Papa Tongarewa
Conseiller scientifique : Magali Mélandri du Quai Branly
Nombre d’œuvres : env. 250

Jusqu’au 22 janvier 2012, musée du quai Branly, 37, quai Branly, 75007 Paris, tél. 01 56 61 70 00, www.quaibranly.fr, tlj sauf lundi 11h-19h, jeudi, vendredi et samedi jusqu’à 21h. Catalogue, coéd. Quai Branly/Somogy, 192 p., 29,50 euros, ISBN 978-2-7572-0453-5.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°355 du 21 octobre 2011, avec le titre suivant : Les Maoris, entre passé et présent

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