Rétrospective

Les visions de Julio Le Parc

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2011 - 481 mots

La galerie Bugada & Cargnel donne une seconde jeunesse au travail sur l’art cinétique de l’Argentin.

PARIS -  Ça gigote, ça guinche, ça flashe. L’exposition de l’artiste Julio Le Parc organisée par l’historien de l’art Matthieu Poirier à la galerie Bugada & Cargnel, à Paris, donne la berlue. Elle produit, chez le visiteur, un trouble perceptif, mélange de fascination hypnotique et de révulsion. Intenses, les œuvres de l’Argentin (né en 1928) sont à regarder avec parcimonie. Elles rappellent aussi que le cinétisme ne se limite pas à ce qui se trémousse. Elles exhortent plutôt à une prise de conscience d’une réalité qui nous échappe. Tout le credo de Le Parc se trouve d’ailleurs synthétisé dans le manifeste du Grav (Groupe de recherche en art visuel) dont il fit partie : « Nous voulons sortir le spectateur de sa dépendance apathique qui lui fait accepter d’une façon passive, non seulement ce qu’on lui impose comme art, mais tout un système de vie. »

L’idée est de s’éloigner d’un art bourgeois et confortable pour retrouver une dimension disruptive, presque frictionnelle. Le titre même de l’exposition, « L’œil du cyclope », n’est pas fortuit. « C’est l’œil unique qui ne voit qu’en deux dimensions, l’œil que combattait Le Parc. C’est l’œil coupé du Chien andalou [Luis Buñuel, 1929], la croyance usurpée à saisir la réalité du monde alors que celle-ci est insaisissable », souligne Matthieu Poirier. Une des œuvres de l’exposition porte d’ailleurs un libellé ad hoc : Lunettes pour une vision autre (1965). En chaussant les différentes lunettes, le visiteur voit tantôt tête-bêche, tantôt les parties latérales, parfois juste un prisme. On se trouve à mille lieux d’un art rétinien. De son côté, l’installation Les Mouvements surprise de 1965 taquine le regard, chatouille nos sens de manière parfois drolatique, met à mal l’idée que la réalité se limiterait à l’image. 

Semer le trouble
Que cette petite rétrospective soit organisée par une galerie d’art contemporain est jouissive à plus d’un titre. Tout d’abord, parce qu’elle contredit la prophétie qu’aurait énoncée Duchamp : « L’op’art ne tiendra pas, parce que les collectionneurs ne peuvent profiter de leurs tableaux ; ils sont obligés de tourner les toiles vers le mur pour échapper au mal de mer. » L’art cinétique a certes connu une longue traversée du désert, mais il commence à renaître depuis quelques années grâce à l’intérêt de plus jeunes artistes, tels Jeppe Hein ou Philippe Decrauzat. Il n’est pas anodin que l’exposition « Erre, variations labyrinthiques » au Centre Pompidou-Metz ait consacré une salle entière à Julio Le Parc. « Ce qui différencie Le Parc des autres cinétiques, c’est sa prolixité, sa créativité bouillonnante. C’est aussi un chef de file », observe Matthieu Poirier. Et, surtout, cette figure de proue a gardé une capacité unique à semer le trouble.

JULIO LE PARC

Nombre d’œuvres : 12
Prix : 266 000 à 680 000 euros

JULIO LE PARC, L’ŒIL DU CYCLOPE, ŒUVRES DE 1959 à 1971

Jusqu’au 5 novembre, galerie Bugada & Cargnel, 7-9, rue de l’Équerre, 75019 Paris, tél. 01 42 71 72 73, www.bugadacargnel.com, tlj sauf dimanche et lundi 14h-19h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°354 du 7 octobre 2011, avec le titre suivant : Les visions de Julio Le Parc

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