Philippe Delalande : « Les impayés restent marginaux »

Philippe Delalande, , expert indépendant en arts d’Asie, Paris

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2011 - 710 mots

Armelle Malvoisin : Quand votre carrière a-t-elle débuté ?
Philippe Delalande : En 1979, à la galerie Jacques Barrère, à Paris, où je suis resté jusqu’à la fin 1997. Ensuite, Christie’s m’a demandé de monter un département d’arts asiatiques à Paris. Il s’agissait, à l’époque, de récolter des pièces pour Londres et Hongkong, le marché de l’art en France étant encore sous le monopole des commissaires-priseurs. Ma première vente d’arts d’Asie à part entière a eu lieu en 2002. Le clou de la vente, adjugé 305 250 euros, était un beau fragment de sculpture provenant des grottes de Longmen [au centre de la Chine] et représentant les mains d’un disciple.

A. M. : Qu’en était-il du marché chinois au début des années 2000 ?
P. D. : En 2002, la clientèle était en majorité occidentale. La Chine populaire n’était pas présente. Cela a démarré autour de 2005. Cette année-là, nous avons vendu, pour plus de 6 millions d’euros, une peinture sur soie impériale Qianlong [1736-1795]. C’était alors un record pour un objet d’art chinois vendu en France et le record du monde pour une peinture chinoise. En 2007, nous avons dispersé une fabuleuse collection de cloisonnés chinois, avec des records à la clé qui sont toujours d’actualité. De nombreux Chinois de Hongkong et de Taïwan s’étaient portés acquéreurs.

A. M. : Pourquoi êtes-vous passé chez Sotheby’s en 2008 ?
P. D. : Sotheby’s m’a proposé un statut de spécialiste international qui me permettait de consacrer plus de temps aux objets et aux clients, sans la lourdeur de la charge de catalogues réguliers. En 2010, j’ai été nommé directeur européen pour les arts asiatiques.

A. M. : Aujourd’hui, vous vous installez comme expert indépendant…
P. D. : C’est la derrière étape dans une carrière. J’ai voulu prendre un peu de recul. Je perds la sécurité, mais je gagne la liberté.

A. M. : Comment se porte le marché des arts d’Asie ?
P. D. : Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le contexte est difficile. Même s’il y a de plus en plus d’objets, il apparaît aussi davantage de faux. Ce qui rend le travail de l’expert particulièrement difficile. D’autre part, la conjoncture économique actuelle donne quelques inquiétudes supplémentaires.

A. M. : De quelle façon travaillez-vous maintenant ?
P. D. : Je me suis installé près de Drouot dans des bureaux que je partage avec mes confrères Pierre Ansas et Anne Papillon (1). Avec la flambée de l’art chinois, il y a beaucoup de demandes et nous ne sommes pas trop de trois pour y répondre. Pierre Ansas travaille déjà beaucoup avec les commissaires-priseurs et, avec mon réseau international, on se complète bien. Le fait que nous ayons des sociétés séparées assure la confidentialité à nos clients, ce qui est très important. Je reste consultant pour la maison Sotheby’s comme expert, un plus pour des clients désireux d’accéder au marché international.

A. M. : Quels sont les domaines les plus recherchés ?
P. D. : Les dernières ventes ont confirmé l’engouement pour les objets impériaux, les jades et les porcelaines. Le mobilier en laque démarre, ainsi que la sculpture, en particulier pour les pièces avec une provenance prestigieuse ou issues de grands sites tels que Longmen, Yungang et Tianlongshan. Il en est de même pour les bronzes archaïques très demandés. Certains domaines restent un peu sous-cotés : les objets en laque, les cloisonnés (qui pourraient redécoller si venait une belle collection) et les bronzes bouddhiques qui marquent un peu le pas après une forte progression.

A. M. : Que faut-il faire contre les Chinois mauvais payeurs ?
P. D. : À juste titre, c’est la frayeur des maisons de ventes. Personne n’est à l’abri. Mais petit à petit, on arrive à repérer les acheteurs indélicats et à les « blacklister ». Pour les très gros objets, il y a la technique du dépôt de garantie qui a été utilisée à Toulouse par Pierre Ansas pour les ventes de la peinture et du sceau chinois. De toute façon, les paiements des Chinois sont assez longs, du fait qu’ils ne peuvent pas sortir beaucoup de devises en même temps. Les impayés restent cependant marginaux et c’est malheureusement un risque à courir pour ces prix très importants obtenus grâce au marché chinois.

Notes

(1) Philippe Delalande Expertise, 9, boulevard Montmartre, 75002 Paris, delalande.philippe@neuf.fr, tél. 06 83 11 24 71

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°354 du 7 octobre 2011, avec le titre suivant : Philippe Delalande : « Les impayés restent marginaux »

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