Metz

Errance labyrinthique

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 19 septembre 2011 - 481 mots

Bien pensée et riche en œuvres, « Erre », au Centre Pompidou, se prend au piège de sa thématique.

METZ - Quel espace paradoxal que celui du labyrinthe, qui tout à la fois symbolise l’enfermement et la quête absolue d’une échappatoire générée par la possibilité d’y déambuler ! Avec « Erre. Variations labyrinthiques », le Centre Pompidou-Metz se saisit du thème sous la houlette des commissaires Hélène Guenin et Guillaume Désanges. Pensé en huit sections thématiques réparties sur deux niveaux, questionnant tant l’architecture que la ville, l’espace mental, le temps ou l’idée de captivité, le parcours explore cette dichotomie avec des œuvres de très belle facture pour la plupart, tout en axant son propos sur la question de l’errance et de la déambulation que sur celle du lieu lui-même.
La visite de l’ensemble souffre toutefois d’une sensation… d’enfermement. Ce n’est nullement l’ouverture d’esprit qui manque au projet. Certaines digressions amorcées sont bienvenues, comme  l’installation d’une toile de Frank Stella dans la section consacrée à l’architecture. Et lorsqu’on aborde le mental et le cerveau par exemple, il y a quelque chose de très émouvant dans le passage d’un dessin mescalinien d’Henri Michaux et de formidables réseaux graphiques de l’Espagnol Santiago Ramón y Cajal ou de l’Argentin León Ferrari, à une salle de Joseph Grigely, artiste sourd, entièrement recouverte de notes manuscrites lui ayant servi à communiquer (White Noise, 2000). Le visiteur y fait aussi de belles (re)découvertes, tel le projet de Endless House (1958) développé à l’infini par Frederick Kiesler.

Belles salles Julio Le Parc
Le problème de ce parcours tient plutôt à son caractère didactique marqué – certainement voulu par l’institution –, d’autant que le sage agencement révèle une concentration d’œuvres sans doute trop importante, au rez-de-chaussée tout du moins. Certaines œuvres y perdent ainsi de leur acuité. Quoique dignes d’intérêt, les maquettes architecturales de Constant, par exemple, surchargent l’accrochage sans rien lui apporter d’essentiel en termes de réflexion.

La respiration vient enfin à l’étage, lorsque de véritables échappées et pertes de repères sont offertes grâce à l’intensité optique des travaux de Gianni Colombo ou du film La Prisonnière (1968) d’Henri-Georges Clouzot, tout en hallucinations. Plus loin, Bas Jan Ader se perd dans un Los Angeles nocturne (In Search of the Miraculous (one night in Los Angeles), 1973-1975).
Occasion est également donnée de redécouvrir le magnifique travail cinétique de l’octogénaire argentin Julio Le Parc, à travers une dizaine d’œuvres installées dans la pénombre. Somptueuses de justesse dans les trappes visuelles qu’elles ouvrent en grand, et de précision dans leurs mécanismes ou jeux de lumière et de reflets, ces quelques salles méritent à elles seules le déplacement.

ERRE. VARIATIONS LABYRINTHIQUES

jusqu’au 5 mars, Centre Pompidou Metz, 1, parvis des Droits-de-l’Homme, 57000 Metz, tél. 03 87 15 39 39, tlj sauf mardi de 11h (10h le week-end) à 18h (20h les vendredi et samedi), www.centrepompidou-metz.fr. Catalogue, éd. Centre Pompidou, 272 p., 39 €, ISBN 978-2-359823-014-9.

ERRE

Commissaires : Hélène Guenin, responsable adjointe de la programmation au Centre Pompidou-Metz ; Guillaume Désanges, commissaire indépendant
Nombre d’artistes : 70
Nombre d’œuvres : 200

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°353 du 23 septembre 2011, avec le titre suivant : Errance labyrinthique

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