Inauguration

Les noirs et blancs de Ricciotti

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2011 - 555 mots

Après son Pavillon Noir, le Français livre tour à tour deux bâtiments : un Pavillon Blanc en Haute-Garonne et le Musée Jean-Cocteau à Menton.

COLOMIERS ET MENTON - Il y a tout juste cinq ans, autrement dit hier, l’architecte Rudy Ricciotti (né en 1952) livrait, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le Pavillon Noir, centre chorégraphique national dirigé par le chorégraphe et danseur Angelin Preljocaj. Une masse noire, impressionnante, s’affirmant dans une dialectique de la réversibilité. « La peau et les os » en quelque sorte, comme en hommage aux chorégraphies de Preljocaj, mais inversés, puisque là, Ricciotti posait les os à l’extérieur et la peau à l’intérieur… Et voici qu’aujourd’hui, Ricciotti livre, à Colomiers (Haute-Garonne), le Pavillon Blanc, inauguré le 4 juillet, à proximité de l’hôtel de ville. Soit un centre d’art contemporain-médiathèque, très orienté vers les cultures numériques, de près de 6 000 mètres carrés, et qui offre au regard un double visage.

D’abord, celui d’une sorte de mur d’enceinte, voile de béton de 150 mètres de long et 13 mètres de haut, ondulant, galbé, perforé, comme percé de meurtrières florentines. Laquelle enceinte enserre un bâtiment tendu d’une monumentale façade vitrée, faisant face à la ville et coiffé d’une toiture percée d’une grande verrière. À l’intérieur, la lumière inonde les trois niveaux évidés, traités en mezzanines. Au rez-de-chaussée, cohabitent l’accueil, une salle de conférence de 75 places et le premier niveau public de la médiathèque. Au premier étage, se trouvent le deuxième niveau public de la médiathèque, l’atelier multimédia et les espaces de vidéoprojection et d’écoute. Au second étage sont logées la direction, l’administration, la programmation et la médiation.

À la lecture des activités du Pavillon Blanc, l’une d’entre elles active particulièrement l’imagination : celle concernant les quotidiennes « siestes musicales » qui, vingt minutes durant, permettent au visiteur, installé dans une chaise longue, d’écouter un morceau de musique ou bien une lecture…
Le 6 novembre – demain… –,  Ricciotti livrera, à Menton, un nouvel équipement, le Musée Jean-Cocteau, né du don de sa collection par l’homme d’affaires Séverin Wunderman. Une collection composée de 1 800 œuvres, parmi lesquelles 990 Cocteau de toutes époques, 350 liées à Sarah Bernhardt et des Picasso, Dalí, De Chirico, Mirò, Foujita… envahissant un espace de 2 700 mètres carrés posé face à la Méditerranée. Vu du ciel, le musée semble une araignée de mer, ou un poulpe d’une blancheur immaculée. « J’ai voulu ce musée délié, comme le trait de Jean Cocteau, bas, blanc, puissant et sensuel. J’ai tenté de mettre en perspective la sensibilité du poète par un trait qui ne s’achève jamais », confie l’architecte. 

Découpes en forme de flammes
Résultat : une œuvre volontairement morcelée (à l’image de l’œuvre de Cocteau elle aussi morcelée, multiple) et à la façade insaisissable. Des volumes arrondis, scandés de profondes failles, dont les découpes en forme de flammes servent d’ouvertures murales. Blancheur immaculée du béton et incandescence des rythmes se mêlent ici à satiété. Une architecture minérale qui se déploie, mouvante et irréelle, en des jeux de masques alternant ouverture et fermeture. Qui renouvelle la tradition méditerranéenne, jouant des portiques et des ondulations, des colonnades et des trouées. Une fois encore, deux fois encore, Ricciotti, au-delà de son élégance sauvage, de son raffinement barbare, témoigne de sa tentation au maniérisme envisagé comme une synthèse désespérée et romantique. Poésie pas morte ! 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°352 du 9 septembre 2011, avec le titre suivant : Les noirs et blancs de Ricciotti

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