XIXe

Tout Bodinier

Angers fait sortir de l’oubli ce peintre de genre à l’italienne

Le Journal des Arts

Le 20 juin 2011 - 495 mots

ANGERS - Le XIXe siècle académique jouit depuis quelque temps d’un retour en grâce, qui permet de découvrir des artistes autrefois oubliés ou connus des seuls spécialistes de la période. Le Musée des beaux-arts d’Angers consacre aujourd’hui une large exposition monographique à Guillaume Bodinier, angevin de naissance, formé dans l’atelier de Pierre Narcisse Guérin et devenu peintre d’une Italie pittoresque, dans les Salons de 1827 à 1857.
« Guillaume Bodinier (1795-1872). Un peintre angevin en Italie » offre une rétrospective complète, issue d’un travail fouillé sans jamais apparaître laborieux. Sans doute la scénographie y est-elle pour beaucoup : dans un noyau central percé d’ouvertures sont accrochées les œuvres de commandes et de Salons. Autour de cet espace, les esquisses, dessins, aquarelles et tableaux inachevés de Bodinier retracent chronologiquement son parcours, d’Angers à Paris, puis ses allers-retours entre l’Italie et la France et sa fin de carrière de retour dans sa ville natale. Angers abrite la majeure partie de l’œuvre de Guillaume Bodinier, grâce au legs de sa veuve en 1874. 

Artiste indépendant
Échouant au concours du Prix de Rome, dont ses épreuves de 1821 et 1822 sont exposées, Bodinier part à Rome sur ses propres deniers retrouver son maître Guérin, nommé directeur de l’Académie de France l’année suivante. Sa richesse personnelle lui permet de ne pas être dépendant des commandes et de vivre à Rome sans le soutien du gouvernement français. Très vite, il se passionne pour les paysages italiens : officiellement reconnu comme un peintre de genre, Bodinier a pourtant peint des dizaines de pochades très libres et modernes, accumulant études et copies, de Corot notamment. En Italie, il s’intéresse également aux coutumes vestimentaires des régions du Sud, qui feront son succès. Coiffes de dame et vêtements de pâtre construisent sa renommée au Salon de 1827, où il envoie quatorze toiles, dont La Demande en mariage (1825), très beau tableau de trois personnages à mi-corps placés sur une terrasse donnant sur une falaise. La mère et sa fille, future épousée, portent des costumes issus de travaux d’étude ; le jeu des regards exprime ce que les positions figées ne permettent pas de ressentir. 

Les années 1830 marquent l’apogée de la carrière de Guillaume Bodinier. Ensuite, il s’éloigne de la scène parisienne et ses œuvres se figent dans une facture qui n’évoluera que très peu avant sa dernière présentation au Salon de 1857, où il présente des paysages composés qualifiés de « plats », « lourds » ou « fastidieux » par la critique. De cette période sont issus nombre de tableaux inachevés, et quelques œuvres fulgurantes, en particulier une Jeune Fille italienne à la fontaine (v. 1835-1840) dont le regard sombre accroche le visiteur. 
L’exposition, au-delà de l’intérêt purement historique qu’elle présente, évoque avec brio un artiste paradoxal, complexe et insatisfait. Peut-être aura-t-il manqué à Bodinier la faim au ventre et une vraie conscience des évolutions de son temps. 

GUILLAUME BODINIER

Commissaires : Patrick Le Nouëne et Christine Besson, conservateurs, musées d’Angers

Nombre d’œuvres : environ 200

Guillaume Bodinier(1795-1872), un peintre angevin en Italie

Jusqu’au 18 septembre, Musée des beaux-arts, 14, rue du musée, 49100 Angers, tél. 02 41 05 38 00, www.musees.angers.fr, tlj 10h00-18h30. Catalogue, coéd. Musées d’Angers/Expressions contemporaines, 320 p., 39 euros, ISBN 978-2-909166-24-7.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Tout Bodinier

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