Découverte

De taille et d’estoc

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 20 juin 2011 - 452 mots

Le Musée de Cluny consacre ses salles à l’épée. Un objet polysémique dans la société médiévale.

PARIS -  Amateurs de bocles, dagues et autres braquemarts (une épée courte à deux tranchants), courez au Musée de Cluny ! Le Musée national du Moyen Âge, à Paris, consacre une toute première exposition à un sujet qui fascine encore, en premier lieu, la gente masculine : l’épée.
L’auteur du roman de Perceforest l’avait écrit au milieu du XVe siècle, une formule reprise dans le catalogue par Michel Huynh, commissaire de l’exposition : « Chevalier sans épée n’est que femme sans quenouille. » 
Faisant fi de ces stéréotypes, cette présentation très sérieuse – qui propose toutefois plusieurs niveaux de lecture, notamment pour le jeune public qui pourra manier une réplique – entend avant tout illustrer la place de cet objet dans la société médiévale. Car si elle est une arme, l’épée a toujours été assortie d’autres fonctions. Insigne de pouvoir et de justice, elle est un objet d’apparat mais aussi, dans sa version christianisée, une relique de saint guerrier symbolique de la protection divine. Plus tard, les peintres romantiques ne manqueront pas d’en faire la seule arme digne de mettre un terme aux tourments de l’âme humaine. 

Un objet personnifié
Forte de cette polysémie, l’épée a aussi été personnifiée. Outre la mythique Excalibur du roi Arthur, plusieurs autres épées sont passées à la postérité. Un portrait de Louis XIV, peint d’après Hyacinthe Rigaud, illustre ainsi la renommée de l’une d’entre elles. Le Roi-Soleil y arbore « Joyeuse », l’arme de son très lointain ancêtre Charlemagne, conservée aujourd’hui au Musée du Louvre, et qui est restée l’épée du sacre des rois de France durant tout l’Ancien Régime. Les amateurs apprécieront la réunion de quelques-unes de ces armes historiques. Ainsi des restes de l’épée de Childéric, avec sa garniture précieuse de grenats (vers 481), dont les vestiges ont été exhumés en 1653 à Tournai, mais aussi de l’épée dite « de Jeanne d’Arc » dont l’origine demeure encore mystérieuse (XVe-XVIe siècle, Musée des beaux-arts de Dijon). Une arme gravée de l’inscription « Giceli me fecit », conservée à Hambourg, vient enfin rappeler opportunément que l’épée a été, dès le haut Moyen Âge, un concentré de technologie produit par des maîtres forgerons – ici Gicelin – détenteurs d’un savoir-faire rare. Cette maîtrise leur a permis de créer de multiples versions de cette arme de défense et d’attaque, permettant de frapper de taille (par le tranchant) et d’estoc (par la pointe), dont l’ergonomie très aboutie allie légèreté, qualité du tranchant et fiabilité. De quoi impressionner, encore aujourd’hui, tout designer sensible à la perfection de l’objet. 

L’ÉPÉE

Commissariat : Michel Huynh, conservateur au musée

Scénographie : Jean-Julien Simonot, architecte

Nombre d’œuvres : 100

L'épée. Usages, mythes et symboles

Jusqu’au 26 septembre, Musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny, 6, place Paul-Painlevé, 75005 Paris, tél. 01 53 73 78 16, tlj sauf mardi 9h15-17h45, www.musee-moyenage.fr. Catalogue, 144 p., 28 euros, ISBN 978-2-7118-5857-6.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : De taille et d’estoc

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