Paris

L’agrément fait de la résistance

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2011 - 801 mots

À la veille de son abolition, l’agrément des experts par le Conseil des ventes volontaires connaît un étrange regain d’intérêt.

PARIS - Boycotté dès le départ par les principaux syndicats d’experts et aujourd’hui en passe de disparaître définitivement avec la nouvelle loi sur les ventes aux enchères publiques, l’agrément des experts par le Conseil des ventes volontaires (CVV) trouve bizarrement grâce, depuis deux ans, aux yeux de plusieurs candidats au titre. Faut-il croire que cette ronflante distinction, qui a connu un insuccès notoire, connaîtra à l’avenir quelque crédit ?
Outre l’agrément des sociétés de ventes volontaires (SVV), le CVV a eu pour mission, dès sa création fin 2001, d’agréer des experts. « Alors que, pour les SVV, l’agrément est une obligation légale, dans le cas des experts, il s’agit d’une simple faculté laissée à leur initiative, l’agrément pouvant constituer un argument dans la recherche et la fidélisation de clients », rappelle le CVV dans son rapport annuel 2010. Mais, contesté sur le fond comme sur la forme, il est rejeté massivement par la majorité des experts réputés.

Ces derniers sont regroupés en syndicats fédérés au sein de la Confédération européenne des experts d’art (Cedea), qui représente environ 70 % des quelque 1 000 experts d’art exerçant en France. Avec un pic de soixante-seize experts agréés par le CVV en 2003, l’agrément est un échec. « Ce label a principalement attiré des spécialistes de second plan en soif de reconnaissance ou jusqu’alors inconnus, ainsi que les refusés de nos syndicats, mais pas les ténors des spécialités artistiques », rapporte Jean-Gabriel Peyre, président de la Compagnie nationale des experts (CNE). « L’autorité de tutelle qu’est le CVV n’apporte rien dans l’exigence de notre métier et nous inféodait à ce qui n’était qu’un aspect de notre profession d’expert, à savoir l’expertise en vente publique, affirme Jean-Michel Renard, président de la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d’art et de collection (Cnes). Nos syndicats d’experts sont de surcroît beaucoup plus exigeants en terme de recrutement et de déontologie. » Ce que confirment le Syndicat français des experts professionnels en œuvres d’art et objets de collection (SFEP) et la Compagnie d’expertise en antiquités et objets d’art (CEA).

Afin de valider leurs acquis professionnels, les prétendants à l’agrément sont auditionnés par un expert de la même spécialité. La procédure peut paraître un peu légère, même si le CVV qui signale vingt-six refus d’agréments entre 2002 et 2005, se prévaut d’une certaine sélectivité. De 2003 à 2005, les délivrances d’agrément se sont limitées à dix cas. Dans le même temps, quinze personnes ont demandé le retrait de leur agrément, désavouant ainsi le titre. Treize nouveaux retraits ont été enregistrés de 2006 à 2009, alors que la demande se limitait à quatre entrées sur la même période. « Cette évolution négative du nombre des experts traduit une inefficacité du dispositif prévu par la loi de 2000 », reconnaît le CVV dans son rapport annuel 2010. 

Motivations diverses
Dès la fin 2009, la proposition de loi de libéralisation des ventes aux enchères publiques a sonné le glas du système d’agrément des experts. Malgré cela, trois professionnels ont obtenu le titre en 2010. Deux autres ont été agréés depuis le début d’année et trois demandes sont en cours. Presque tous les récents agréés feignent l’étonnement quand on leur demande s’ils sont au courant de la prochaine disparition du titre. Car ils en ont été dûment informés par le CVV : une première fois au moment du dépôt de leur dossier et une seconde fois le jour de l’audition. Quant à leurs motivations, elles ne sont pas toujours avouées.
Jeune antiquaire aux Puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) depuis près de dix ans, spécialisé en mobilier et objets d’art de Haute Époque, Romuald Raguet est le seul agréé en 2009. Son objectif est d’offrir son expertise en ventes aux enchères, dans sa spécialité. Il avoue avoir été convaincu par le « côté officiel et sérieux » de l’agrément qui est, selon lui, « plus intéressant que ce que proposent les chambres syndicales ». Pour deux libraires parisiens chevronnés, agréés en 2010 et 2011, Philippe Mellot, spécialiste en livres modernes et en bande dessinée, et Henri Bonnefoi de la librairie éponyme, il s’agit aussi de mettre un pied dans les ventes publiques grâce à un sésame officiel, sans être affilié à un syndicat d’experts. 

Mais pour Jean-Mathieu Martini et Adnan Sezer (agréés en 2010 et 2011), deux spécialistes en photographies associés à Serge Plantureux (agréé en 2002), c’est dans le cadre d’une activité de conseil en collection pour le compte d’une grande institution que le titre « a pesé lourd dans la balance ». Agréé en 2010, Nicolas Hacquebart Desvignes, dirigeant du cabinet parisien Artbiblio dans le domaine de la bibliophilie, a jugé la question de sa motivation « délicate » et n’a pas souhaité y répondre.

Légende photo

Antiquaires à Saint-Ouen - © photo Shadowgate - 2004 - Licence CC BY-SA 2.0 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : L’agrément fait de la résistance

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