Belgique

Charpin l’enchanteur

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2011 - 727 mots

Le Musée du Grand-Hornu Images accueille les facéties de Pierre Charpin dans une atmosphère jubilatoire.

HORNU - Rares sont les expositions de design d’où l’on ressort franchement joyeux. En voici une. Consacrée au travail du designer français Pierre Charpin, 49 ans, et produite par le Musée du Grand-Hornu Images, à Hornu, en Belgique, elle s’intitule « 20 années de travail ». Concrètement, il s’agit d’une sélection de pièces – objet, meuble, dessin, texte, image… – choisies dans la double décennie qui s’étend de 1990, date à laquelle Pierre Charpin, plasticien de formation, a décidé de devenir designer, jusqu’à 2010.
La présentation se déploie dans la totalité du Magasin aux foins. Le but de Charpin est clair : « Faire entrer le visiteur dans mon univers formel et plastique, qu’il ait une approche sensuelle de mon travail. »  D’où son choix en faveur d’une scénographie frontale, « comme une vaste installation dans laquelle les pièces sont placées les unes à côté des autres, sans hiérarchie ». Le propos, lui, n’est pas didactique du tout : il n’y a aucun cartel, aucune maquette et, hormis une petite « table de travail » sur laquelle s’alignent quelques croquis « techniques », aucune volonté de dévoiler les processus de création. Seule importe, selon Charpin, l’envie de « mettre le visiteur face à des objets, face à leur présence, sans filtre ».
D’entrée de jeu, le designer installe lesdits objets dans une sorte de domesticité de bon aloi. Sa « pièce habitée » rassemble des créations diverses et variées, comme l’étagère Séquence, la chaise empilable Prima ou la Table éclairante. Or Charpin « habite » aussi cet intérieur avec une série d’objets insolites et personnels, qu’il a rapportés de son atelier d’Ivry-sur-Seine : des cartes postales, une tapette à mouche, une canne en noisetier taillée de ses propres mains, en Corrèze… Il évite ainsi avec subtilité le piège de l’effet «  show room ». Plantée à dessein au début de l’exposition, cette « pièce habitée » lui permet, en outre, de se délester tout en finesse de l’incontournable démonstration d’« habitabilité » et d’imaginer la suite du parcours avec d’autant plus de liberté. Il troque d’ailleurs son costume de designer industriel pour celui de… Charpin l’enchanteur. 

De surprise en surprise
Le visiteur passe de surprise en surprise. Entre les tubes colorés de l’armoire Girotondo – reconstitution du fameux meuble édité, jadis, par la firme italienne Zanotta – se dissimulent les vases et les boîtes aux graphismes érotiques Ceram-X, réalisés en faïence émaillée par le Centre de recherche sur les arts du feu et de la terre, à Limoges. Sur une paroi, on contemple de splendides dessins lorsqu’on tombe nez à nez avec une œuvre, tout aussi splendide, réalisée, elle, in situ au crayon de papier : une représentation de l’ombre projetée de la fameuse lampe murale Parabole (galerie Kreo). Présence ou absence de l’objet ? Là est la question. Ou la règle du jeu, car Charpin joue beaucoup. Juché sur la chaise d’arbitre (Tectona), on jurerait entendre une balle de tennis fuser sur le court. Non loin, le fauteuil bariolé Slice se réfléchit dans un miroir, distillant son image à l’infini. L’illusion est reine. Cette gigantesque « volière à objets » contenant nombre de spécimens de forme circulaire ne ressemble-t-elle pas à la lampe à poser Desa que le designer a dessinée pour Ligne Roset ? Idem avec ce dessin (un ruban ?) exposé sur une cimaise et que le visiteur retrouvera sur son chemin, en trois dimensions et à grande échelle : Interno Nero.

Dans un interstice, un amusant film d’animation intitulé Le Bal des formes noires déploie le vocabulaire formel de Charpin, des silhouettes récurrentes à la fois minimales et énigmatiques que le visiteur peut « vérifier » autour de lui, en particulier sur un podium sur lequel sont disposées quantité de vases : les Lisses et les Gravés (Cirva), les Ceramica (série Oggetti Lenti), les Charpin (Manufacture de Sèvres)… Même si certaines pièces conservent avec jalousie leur secret, tels l’étrange porte-objet Ufo et la non moins insondable colonne Monolithe, deux pièces de la série 8 ½ (galerie Kreo), les réalisations ici exposées, montrent une incroyable homogénéité. Et une présence évidente. Elles façonnent en tout cas un monde jubilatoire. Et ça fait du bien. 

PIERRE CHARPIN

Commissariat : Françoise Foulon, directrice de Grand-Hornu Images

Conception et scénographie : Pierre Charpin

Nombre de pièces : une centaine

Pierre Charpin au Grand Hornu, 20 années de travail

Jusqu’au 11 septembre, Grand-Hornu Images, 82, rue Sainte-Louise, Hornu (Belgique), tél. 32 65 65 21 21 www.grand-hornu-images.be, tlj sauf lundi 10h-18h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Charpin l’enchanteur

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