Versailles

Monumentalité maîtrisée

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2011 - 610 mots

Bernar Venet dissémine ses sculptures dans le parc du château de Versailles, se confrontant avec brio à la grandeur du lieu.

VERSAILLES - Efficace ! C’est le qualificatif qui vient à l’esprit à la vue des œuvres de Bernar Venet installées aux abords du château de Versailles (Yvelines). Efficace, car la monumentalité minimale de ses dispositifs sculpturaux s’installe là sans emphase, et dialogue avec l’édifice et les jardins sans chercher à s’imposer à eux, ni à l’inverse se voir dominer par le caractère spécifique du site. Après avoir assené, lors des précédents rendez-vous de Versailles dévolus à l’art contemporain, une esthétique que l’on pourrait qualifier – en simplifiant et en grossissant le trait – de néo-pop, Jean-Jacques Aillagon, président de l’établissement public, a cette fois souhaité tenter le pari d’un artiste au vocabulaire minimaliste, qui se confronte à la monumentalité des lieux. Fortes et discrètes à la fois, les six sculptures réparties dans les extérieurs du domaine, toutes créées pour l’occasion, engagent une partie physique qui jamais ne tourne à l’avantage de l’un des compétiteurs. Cela relève presque de la prouesse.

Nouvelle est cette année l’installation d’une œuvre dans le parc du domaine de Marly, voulue afin de montrer que l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles en a désormais la charge, depuis que le site a été abandonné par la présidence de la République. Nouvelle est en outre la temporalité de l’événement, qui, au lieu de se tenir à l’automne, a migré au printemps à la demande de l’artiste, afin de profiter au mieux de la luminosité et de l’ensoleillement jouant avec la rouille de ses travaux en acier. 

Justesse des échelles
D’emblée sur la place d’Armes, bien avant la grille du château et immédiatement après la statue équestre de Louis XIV, Venet impose un geste fort avec deux séries de huit arcs, hauts de vingt-deux mètres, qui semblent dessiner un nouvel encadrement autour du corps central de l’édifice (85.8° Arc x 16, 2011). Dans le même temps, les légers décalages dont ils font l’objet ne figent pas la structure mais lui confèrent à l’inverse un certain dynamisme.
Dans les jardins, les courbes mathématiques chères à l’artiste s’en donnent à cœur joie, s’affichant dans tous leurs états. Autour des deux parterres d’eau situés à proximité de la façade arrière dialoguent deux installations : tandis que très fière, l’une voit cinq séries d’arcs disposés avec des orientations diverses s’amuser à élaborer différents points de vue et perspectives sur les jardins et le château (5 Arcs x 5, 2011), l’autre déploie des arcs inclinés, semblant ployer sous une force invisible instaurant un équilibre instable. Cette sensation est encore renforcée par l’impression de graffiti ou de croquis préparatoire dispensée par l’œuvre vue de côté (219.5° Arc x 28, 2011). En contrebas, face au bassin du char d’Apollon, l’équilibre est finalement vaincu, avec une structure effondrée sur elle-même qui se révèle progressivement au fil de la descente dans le parc (Effondrement : 225.5° Arc x 16, 2011). Elle offre en outre une belle perspective lorsque, vue à revers, son aspect quelque peu brouillon – mais toujours très contrôlé – se confronte au strict ordonnancement de la façade. Bernar Venet, qui confiait il y a quelques mois vouloir « absolument avoir les dimensions qu’il faut » pour ses œuvres, est parvenu à leur donner les proportions adéquates afin de leur faire occuper, avec rigueur et efficacité, les espaces qu’il leur a choisis. C’est dans la justesse des échelles que se situe la principale réussite du projet, qui in fine fait presque paraître son intervention comme une évidence.

VENET

Commissariat : Bernard Marcadé

Nombre d’œuvres : 6 à Versailles, 1 à Marly

Venet à Versailles

Jusqu’au 1er novembre, jardins du château de Versailles, place d’Armes, 78000 Versailles, tél. 01 30 83 78 00, www.chateauversailles.fr, tlj 8h-18h30.
Domaine national de Marly, www.musee-promenade.fr, tlj 7h30-19h30. Catalogue, Ed. du Regard, 300 p.

Une exposition des peintures de Bernar Venet, réalisées de 2001 à 2011, se tient à l’hôtel des arts de Toulon du 11 juin au 18 septembre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Monumentalité maîtrisée

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