Musée

Un « cactus » qui manque d’air

Milan vote pour le Novecento

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2011 - 827 mots

MILAN / ITALIE

Près de dix ans de travaux auront été nécessaires pour ouvrir le Museo del Novecento dans la capitale lombarde. Installé dans un monument des années 1930, situé face à la cathédrale de Milan et relooké par Italo Rota, il propose un parcours tortueux qui dessert la riche collection de l’institution.

MILAN - L’emplacement est on ne peut plus prestigieux : Piazza Duomo, à Milan. C’est, en effet, à l’intérieur de l’une des tours jumelles du célèbre Palazzo dell’Arengario, sis dans le prolongement du palais royal, juste en face de la galerie Victor-Emmanuel II et, donc, de la cathédrale, qu’est venu s’installer le tout nouveau Museo del Novecento, autrement dit le « musée de l’art italien du XXe siècle ». Construit en 1937 par le quatuor Portaluppi-Muzio-Griffini-Magistretti, l’Arengario est un édifice « célèbre » de la capitale lombarde puisqu’il devait, à l’origine, accueillir le « musée de la naissance du parti fasciste ». Le projet fut évidemment abandonné après-guerre, et le bâtiment logea, pendant quelque soixante ans des bureaux, des boutiques et même l’office du tourisme municipal, avant d’être choisi comme réceptacle dudit projet muséal.

Inauguré fin 2010, après neuf ans de travaux et de nombreuses péripéties, le Museo del Novecento est signé Italo Rota et Fabio Fornasari, lauréats, en 2000, du concours international d’architecture. L’élément emblématique est à n’en point douter cette paroi de verre constituée d’une multitude de modules de forme losange, laquelle se loge à l’intérieur de la façade historique et contient la rampe d’accès aux salles d’exposition. Des Milanais l’ont déjà surnommé « le cactus » à cause de sa silhouette longiligne. Pour Italo Rota, architecte du projet, ce musée est « une installation, non pas une pièce d’architecture. Un espace à visiter et où établir un contact physique avec un ensemble infini de chefs-d’œuvre que nous avons tous auparavant vus reproduits sur nombre de couvertures de livres à travers le monde. »  Surface totale : 8 200 m2, dont la moitié est dédiée aux espaces d’exposition. Coût des travaux : 20 millions d’euros (selon la municipalité).

Une fois empruntée la fameuse rampe hélicoïdale du musée, le visiteur se voit offrir, en guise de préambule, le monumental tableau Quarto Stato peint, entre 1898 et 1901, par Giuseppe Pellizza da Volpedo et représentant la marche triomphale des travailleurs de ce Quatrième État… Un mythe ! Le parcours, qui rassemble quelque 400 œuvres disséminées sur huit niveaux, dont nombre de chefs-d’œuvre, s’étire de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1980. Il débute, dans la grandiose salle des Colonnes, par un large volet évoquant les avant-gardes internationales (Picasso, Mondrian, Klee, Kandinsky…). Sont ensuite passés en revue les principaux mouvements artistiques transalpins – art cinétique, pop art, Arte povera… – et autres courants en « ismes »  – postimpressionnisme, réalisme, spatialisme… Sans oublier, évidemment, le futurisme, dont le fameux Manifeste écrit par Filippo Tommaso Marinetti fut publié pour la première fois à Milan, en 1909. 

Tous les artistes phare
On retrouve, ici, les artistes phare dudit mouvement, tels Giacomo Balla, Gino Severini ou Fortunato Depero. Umberto Boccioni, lui, a même droit à sa propre «  salle » : pas moins d’une vingtaine de pièces dont le célèbre bronze Formes uniques de la continuité dans l’espace, représentant un homme en mouvement. Boccioni n’est pas le seul privilégié. Au fil du parcours, le visiteur découvrira sept autres sections monographiques : Giorgio Morandi, Arturo Martini, Giorgio de Chirico, Fausto Melotti, Lucio Fontana, Piero Manzoni et Marino Marini. La déambulation s’achève en beauté avec un ensemble conséquent de Lucio Fontana : nombre de toiles de la série des Concepts spatiaux, un « plafond » hallucinant (180 m2 de ciment « ouvragé »), jadis conçu par l’artiste pour l’hôtel du Golfe de Procchio, sur l’île d’Elbe, et réassemblé pour l’occasion, et Neon, une spectaculaire arabesque en néons blancs (plus de 100 m de long), installation créée pour la Triennale de 1951 et reconstituée pour la première fois.

Reste que deux grands problèmes brouillent à l’envi la visite de ce Museo del Novecento. D’abord, l’organisation des espaces. Le volume des salles d’exposition, étroites comme des couloirs, semble avoir été négligé au profit d’un système de circulation généreux doté d’escalators de type aéroport ou supermarché, dont le bruit horripile. Ensuite, la volonté, à l’origine sympathique, des architectes d’ouvrir amplement le bâtiment sur la ville (outre le Duomo, on peut notamment voir le palais royal, la Torre Velasca, le clocher de l’église San Gottardo…) se fait franchement au détriment de la contemplation des œuvres. Non seulement la lumière naturelle est, par endroits, trop intense, mais le musée, lui-même, se transforme en une sorte de belvédère d’où nombre de touristes viennent uniquement prendre des vues plongeantes du Duomo, mettant alors à rude épreuve la concentration des vrais amateurs d’art. Bref, tout le contraire du « contact physique avec [des] chefs-d’œuvre » ambitionné par l’architecte du projet, Italo Rota. Dommage ! 

Museo del Novecento

12, Piazza Duomo, Milan, www.museodelnovecento.org, tlj 9h30-19h30, jeudi et samedi jusqu’à 22h30, lundi 14h30-19h30

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Milan vote pour le Novecento

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