Foire d’art contemporain

Art Paris mise sur son écrin

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2011 - 728 mots

Si le salon demeure très hétérogène, les ventes ont été au rendez-vous. Avec le départ de Lorenzo Rudolf, la foire va se doter d’une nouvelle direction artistique en 2012.

PARIS - Après la périlleuse tentative de changer brutalement d’ADN en 2010, la foire Art Paris, organisée du 31 mars au 3 avril, a fait une fois de plus le grand écart. Le visiteur passait ainsi du magnifique stand d’Oniris (Rennes), cube noir dessiné par l’architecte Odile Decq et renfermant des merveilles de François Morellet ou de Vera Molnar, au solo show vulgaire de Philippe Pasqua chez Laurent Strouk (Paris), amoncellement d’œuvres recyclant ad nauseam tant Damien Hirst qu’Arnulf Rainer. À côté des accrochages impeccables de Catherine Issert (Saint-Paul de Vence), Polaris (Paris) Semiose (Paris) ou Lahumière (Paris), étaient présentés de hideux cochons en cristal Swarovski.

D’autres îlots faisaient de la résistance, à l’image des forêts riches en mémoire de Stephan Crasneanscki chez Ilan Engel (Paris) ; des toiles de Jean Degottex chez Berthet-Aittouares (Paris) ; du délicat travail inspiré de la mystique soufie de Katayoun Rouhi chez Taïss (Paris), ou de Ben, version coquine chez Lara Vincy (Paris) et régionaliste chez Sollertis (Toulouse). La foire a aussi permis à des galeries très établies de montrer des œuvres qu’elles ne pourraient en aucun cas accrocher à la Fiac (Foire internationale d’art contemporain). Nathalie Obadia (Paris) a ainsi déployé une sculpture de César, tandis que Lelong (Paris) a sorti de ses réserves Ernest Pignon-Ernest ou Jan Voss. « C’est important de faire des salons comme Art Paris, car cela nous permet de rencontrer une clientèle achetant à un prix situé entre 2 000 et 20 000 euros, souligne Jean Frémon, codirecteur de Lelong. En dessous de cette fourchette, on a les estampes, et, au-dessus, les grosses œuvres. Aux deux extrémités, cela fonctionne. Mais il faut conquérir la clientèle intermédiaire. »

Affirmer une ligne claire
Tout comme la qualité, le commerce s’est révélé aléatoire. André Magnin (Paris) a fait feu de tout bois avec sa plateforme africaine. Bernard Ceysson (Paris) a vendu dès le vernissage six grandes bâches de Claude Viallat, principalement à de nouveaux collectionneurs. « Les gens négocient dur », confiait Ilan Engel après avoir cédé plusieurs photographies de Stephan Crasneanscki. « Ce ne sont pas des achats impulsifs, les gens sont revenus plusieurs fois et ont bien pensé leurs achats. »

Les galeries qui avaient moyennement travaillé lors du salon Drawing Now s’enthousiasmaient des résultats sur Art Paris. « Autant au Salon du dessin contemporain j’étais au désespoir, autant là, je suis très contente. Le Grand Palais reste un lieu référentiel », indiquait Catherine Issert, qui a négocié plusieurs œuvres de Jean-Charles Blais, Jean-Michel Alberola et Adrian Schiess. « Le lieu permet à des galeries de taille intermédiaire de présenter leur travail dans d’excellentes conditions, ajoutait Olivier Robert (Paris). Les collectionneurs français sont là. Finalement c’est bien d’être ici. »

On l’aura compris, comme en 2005, quand il s’est installé sur les Champs-Élysées, l’événement mise sutout sur l’espace du Grand Palais. Mais en capitalisant sur cet emplacement prodigieux, Art Paris doit aussi affirmer une ligne claire. La dernière édition a pâti d’une absence de direction ferme, et nombre de marchands se demandaient s’il y avait encore un pilote dans l’avion. Le propriétaire d’Art Paris, Luxrule, s’est d’ailleurs séparé de Lorenzo Rudolf, lequel n’assure plus la direction artistique du salon. « On ne peut pas faire le lancement de Singapour et s’occuper d’Art Paris. Singapour a besoin de l’énergie de Lorenzo, et Art Paris a besoin de l’énergie entière de quelqu’un d’autre », nous a confié Julien Lecêtre, directeur général de la manifestation.

La foire doit clairement rebattre les cartes, et offrir un projet porteur au printemps. « Il faudrait réunir toutes les énergies du mois de mars, garder les meilleurs de chaque salon programmé au printemps pour créer un événement majeur au Grand Palais », estime Nathalie Obadia. L’arrivée d’Ymer&Malta (Paris) présage- t-elle d’un afflux massif du design ? « Je pense qu’on va lancer un mouvement pour les années à venir, estime Andreina Chaffoteaux, d’Ymer&Malta. On a vendu ici à de nouveaux clients qui n’ont pas pour intérêt principal le design. » Néanmoins, les galeries du Pavillon des arts et du design (lire ci-dessous), qui louent l’organisation au cordeau de la Société d’organisation culturelle, accepteraient-elles de migrer au Grand Palais pour les beaux yeux d’une simple verrière ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : Art Paris mise sur son écrin

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