Focus : Dessin de Victor Hugo « Château fantastique »

Vente du 30 mars à l’hôtel Dassault, Paris - Artcurial

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2011 - 511 mots

« Victor Hugo, s’il n’était pas poète, serait un peintre de premier ordre, écrit Théophile Gautier dans La Presse du 7 juin 1852.

Il excelle à mêler, dans des fantaisies sombres et farouches, les effets de clair-obscur de Goya à la terreur architecturale de Piranèse ; il sait, au milieu d’ombres menaçantes, ébaucher d’un rayon de lune ou d’un éclat de foudre les tours d’un burg démantelé et sur un rayon livide de soleil couchant découper en noir la silhouette d’une ville lointaine avec sa série d’aiguilles, de clochers et de beffrois. Bien des décorateurs lui envieraient cette qualité étrange de créer des donjons, des vieilles rues, des châteaux, des églises en ruine d’un style insolite, d’une architecture inconnue, pleine d’amour et de mystère, dont l’aspect vous oppresse comme un cauchemar. » 

Hugo ne s’est jamais considéré comme un peintre. Dessiner était pour lui un exercice de délassement. Pourtant, les dessins de poète évoquant un monde mystérieux et ténébreux sont aujourd’hui très recherchés, à l’exemple du Château fantastique émergeant d’une brume d’encre, emporté par un amateur français pour 143 000 euros, le 30 mars à Paris chez Artcurial. « C’est un bon prix compte tenu des dimensions de la feuille (22,50 x 14,30 cm) », rapporte Patrick de Bayser, l’expert de la vente. L’essentiel de la production graphique de l’écrivain dépasse rarement ce format. « Ce dessin était dans un merveilleux état de conservation [alors que certains sont « mangés » par l’encre] et n’avait quitté la famille Hugo que pour rejoindre la collection de l’arrière-grand-père de l’actuel propriétaire », ajoute l’expert.

Par leur veine romanesque, les œuvres graphiques d’Hugo plaisent aux amateurs de dessins XIXe et de littérature. Pour Patrick de Bayser, « ils sont des appels constants à la rêverie et aux tourments, l’un n’allant pas sans l’autre ». Associés à l’art automatique si cher aux surréalistes, ils séduisent aussi les collectionneurs d’art moderne. Ils sont même cités en exemple par nombre de peintres du début du XXe siècle parmi lesquels Salvador Dalí. Mais « quand ils tournent trop vers l’abstraction, ils ne se vendent pas », souligne le galeriste parisien Éric Coatalem. Ce dernier présentait cette année deux œuvres dûment choisies d’Hugo au Salon du dessin : un petit paysage découvrant une inquiétante maisonnette fantastique et L’Abbaye, rare dessin que le poète avait accepté de graver. Déjà lors de l’édition 2010, le marchand exposait une petite marine figurant une embarcation au milieu d’une tempête, cédée rapidement à un amateur. On pouvait aussi admirer chez son confrère suisse Arturo Cuéllar une spectaculaire Tour de Saint-Rombault de Malines, réalisée au lavis d’encre brune rehaussé de gouache blanche. En raison de son format exceptionnel (48 x 63 cm), ce dessin d’Hugo a été vendu près de un million d’euros.

VICTOR HUGO

Titre : « Château fantastique »

Technique : dessin à la plume et encre brune

Dimensions : 22,50 x 14,30 cm

Provenance : Georges Hugo (petitfils de Victor Hugo) qui l’a offert et dédicacé à Georges Payelle

Estimation : 90 000 à 120 000 euros

Adjudication : 143 000 euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : Focus : Dessin de Victor Hugo « Château fantastique »

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