Guide

Gautier en arpenteur du Louvre

Le texte fleuri du célèbre écrivain et critique d’art consacré au Louvre fait l’objet d’une nouvelle édition

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2011 - 514 mots

C’est un monument de la littérature artistique qui vient d’être réédité. Alors que plusieurs musées célèbrent le bicentenaire de la naissance de Théophile Gautier (1811-1872), le texte magistral faisant office de guide du Musée du Louvre, publié par le poète en 1867, est à nouveau rendu disponible pour les lecteurs dans une version illustrée et annotée.

Il constitue un sommet de la critique d’art subjective, qui nous paraît aujourd’hui exotique tant l’exercice s’est depuis asséché.  Fruit d’une commande, ce texte a été rédigé pour être inséré dans la monumentale somme impulsée en 1866 par l’écrivain et dramaturge Paul Meurice, et destinée à servir de « guide de Paris » à l’occasion de la seconde Exposition universelle (Paris. Guide par les principaux écrivains et artistes de la France [1]). Meurice n’avait pas fait les choses à moitié. À cette publication, qui a comptabilise au final plus de deux mille pages, ont collaboré, sous la direction de Victor Hugo, des auteurs tels que Dumas, Nadar, Sainte-Beuve ou Viollet-le-Duc. Théophile Gautier, qui écrivait sur les salons depuis plus de trente ans, est sollicité logiquement pour produire des pages consacrées au Musée du Louvre. L’écrivain transforme alors la fastidieuse commande en un livre exaltant sa pensée sur l’art et son désir de vulgarisation. 

Goûts et dégoûts
Après avoir arpenté, crayon à la main, les salles du musée – dans leur version Second Empire –, Gautier procède à une sélection parmi les pléthoriques collections du musée. Il ne retient que ce qu’il aime, principalement la peinture, le reste étant relégué en fin d’ouvrage. Il s’engage alors dans une longue entreprise d’écriture. « Bien qu’on m’ait payé très cher, je ne recommencerais pas pour le double d’argent », commentera-t-il. De fait, il n’aura pas à recommencer tant son texte parvient à concilier l’exubérance de la langue, mise au service de la description des œuvres – Gautier aurait utilisé pour cela les notes de Frédéric Villot, ancien conservateur des Peintures, éditées peu de temps avant – et une vision de la peinture propre à son temps. 

La visite débute par les héros de la peinture française, avec David, « le mâle génie », qui a su « s’arracher à cette atmosphère argentée et bleuâtre où voltigeaient les amours de Boucher ». Le ton est donné. Les goûts – et dégoûts – apparaissent ainsi en filigrane. « Pour autant le texte n’a rien d’un catéchisme et ce serait une erreur de réduire Gautier à n’être que le parangon de la culture officielle du Second Empire », note en introduction Marie-Hélène Girard. Gautier s’y fait aussi militant du beau et de « l’art pour l’art ». « Si le sujet importe aussi peu c’est qu’il n’est jamais, aux yeux de Gautier, que le prétexte au déploiement d’une belle forme », poursuit Marie-Hélène Girard. L’écrivain y explicite aussi sa vision sacralisante du musée, ce « temple du beau ». « Le musée est comme le camée qui ferme un bracelet de pierres précieuses », écrit-il non sans emphase au début du texte. Une autre époque ! 

Notes :

(1) A. Lacroix & Verboecken et Cie

Théophile Gautier, Le musée du Louvre, édition présentée et annotée par Marie-Hélène Girard, Musée du Louvre Éditions/Citadelles & Mazenod, 320 pages, 150 illustrations, 42 euros, ISBN 978-2-85088-343-9.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : Gautier en arpenteur du Louvre

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque