Plateau

Peinture-onde

Philippe Decrauzat offfre au visiteur un parcours réversible

Par Julie Portier · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2011 - 440 mots

PARIS - Il est souvent regrettable qu’un espace d’exposition contraigne le visiteur à revenir sur ses pas.

C’est pourtant sur cet inconvénient architectural que repose le coup de maître orchestré par Philippe Decrauzat au Plateau/Frac Île-de-France : une exposition en aller-retour, tel le manifeste d’une œuvre qui a hissé la perception en principe pour questionner les principes de la perception.

Ambassadeur de la nouvelle abstraction suisse, Philippe Decrauzat s’approprie les motifs vernaculaires de la peinture géométrique tout en revisitant ces héritages au contact sacrilège de la culture populaire, ouvrant les frontières à d’autres champs artistiques, en l’occurrence le cinéma.

Dans l’entrée trône une peinture monochrome d’un vert camouflage sur un châssis formant un « W ». Cette armoirie mettrait-elle en garde contre le jeu des apparences et des répétitions qui ont cours plus loin ? À moins qu’elle ne soit le générique d’un parcours où la peinture se fait l’antichambre du cinéma… 

La première salle propose une expérience d’immersion dans une trame diagonale qui s’étire, court sur les murs (Cover), s’y déforme. Le motif comme toujours y est emprunté. Il résulte d’un « zoom » sur un effet de moirage figurant en couverture de la revue American Scientific. La rétine se dilate brusquement dans la deuxième salle où est projeté un remix du générique de Fahrenheit 451, de François Truffaut. Les antennes plantées sur les toits dessinent encore des lignes qui se répètent et se croisent, mais cette fois à angle droit.  

Interférences
Ailleurs, c’est le thème de la bande noire qui est l’instrument d’une nouvelle expérience spatio-temporelle. Pour Slow Motion, treize toiles apparemment identiques forment un couloir, une « peinture » qui se traverse dans un effet de ralenti suggéré par le dégradé des bandes disparaissant dans la partie inférieure du tableau. Ici la technicité de la peinture est aussi déroutante que l’effet produit.

À l’issue du parcours, les derniers épileptiques succombent au montage en accéléré de plans issus d’un film de Hans Richter : And to End. Mais opérons un demi-tour. Alors le cinéma précède la peinture, le sens de circulation s’inverse, la persistance rétinienne fait se superposer les formes, les antennes captent des interférences. C’est qu’au centre de l’espace est postée la sculpture Anisotropy, qui donne son titre à l’exposition. Elle reproduit la forme d’un prototype d’objet scientifique imaginé pour détourner les ondes. La malice de Decrauzat irait-elle jusqu’à en mettre plein la vue pour désigner des flux invisibles ? Ceux dans lesquels l’origine des formes se perd à mesure qu’elles transitent de la peinture vers d’autres champs avant de revenir à la peinture.

ANISOTROPY

Commissaire : Xavier Franceschi, directeur du Frac Île-de-France

Nombre de salles : 5

PHILIPPE DECRAUZAT, ANISOTROPY

Jusqu’au 15 mai, Le Plateau/Frac Île-de-France, place Hannah-Arendt, 75019 Paris, tél. 01 72 21 13 14 www.fracidf-leplateau.com, du mercredi au vendredi 14h-19h, 12h-20h le week-end. Entrée libre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : Peinture-onde

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