Maastricht

Tefaf, une foire en demi-teinte

Le climat d’incertitude mondiale et le spectre d’une nouvelle TVA à l’importation très pénalisante ont pesé sur Tefaf.

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 mars 2011 - 621 mots

Alors que le rapport commandé par Tefaf (The European Fine Art Fair) à Arts Economics fait part d’un rebond du marché de l’art en 2010, certes plus modéré en Europe, la foire de Maastricht (Pays-Bas), organisée du 18 au 27 mars, n’a pas reflété cette vigueur retrouvée.

MAASTRICHT - Sur le plan qualitatif, elle garde son standing avec des pièces de très belle qualité, comme un sublime tableau de Franz Francken le Jeune représentant l’éternel dilemme entre le vice et la vertu, proposé pour 9,8 millions d’euros par Johnny Van Haeften (Londres), ou encore un bel exemple de peinture émilienne par Giulio Procaccini chez Hervé Aaron (Paris). Évidemment, certaines œuvres proviennent de ventes publiques. Mais, parfois, les marchands ont apporté leur touche personnelle. C’est le cas du Portrait du marquis Altoviti en Hylas par Volterrano présenté par Jean-Luc Baroni (Londres). Celui-ci l’a certes acheté en 2009 chez Christie’s, mais il l’a fait longuement restaurer, retirant sa couche épaisse de vernis oxydé, et, surtout, il a rectifié le sujet, mal identifié comme Ganymède par la maison de ventes.

Les pépites étaient plus rares du côté moderne, mais on relevait la remarquable gouache de Gleizes de 1913 chez Anisabelle Berès (Paris), un petit Dubuffet magnétique chez Applicat-Prazan (Paris), deux très beaux tableaux de Cy Twombly chez Anthony Meier (San Francisco) et un autre dessin très dense de l’artiste américain chez Vedovi (Bruxelles). Cette dernière galerie proposait aussi une jolie gouache de Magritte, L’Ami intime, confiée par un client. En exigeant 2,6 millions d’euros, elle s’était alignée sur le prix de 2,5 millions de livres sterling (3 millions d’euros) obtenu en février dernier chez Sotheby’s, à Londres, par une gouache similaire intitulée Le Maître d’école. « Les gens ne sont pas encore habitués à cet échelon de prix. Il faut un temps d’ajustement », constatait Paolo Vedovi. 

Négociations serrées
Les prix globalement élevés, l’incertitude générale liée aux frappes occidentales en Libye et au séisme nippon ont refroidi les collectionneurs. Certes, Noortman (Maastricht) a cédé une vue de Harlem par Gerrit Berckheyde pour 4,5 millions d’euros. Quelques exposants de la section « design » semblaient satisfaits, Yves Macaux (Bruxelles) ayant vendu avant la foire une pièce majeure de la Sécession viennoise à un musée étranger. François Laffanour (Paris) s’était vu réserver, par un Français, son bureau « présidence » de Jean Prouvé réalisé pour l’usine Ferembal en 1948. Mais, globalement, les marchands n’exultaient guère. « On sentait une vraie reprise se profiler, et là, il y a eu un coup de massue. C’est nettement moins bien que l’an dernier », remarquait Anisabelle Berès. « Les gens n’achètent pas tout de suite. Ils veulent faire le tour de la foire. Comme elle est grande, cela prend du temps », confiait Michael Short, de Sperone Westwater (New York). Les négociations étaient aussi plus serrées.

Le climat a enfin été assombri par l’annonce d’une législation néerlandaise, qui devrait frapper Tefaf l’an prochain, portant la TVA à l’importation de 6 à 19 % pour les œuvres ne provenant pas de l’Union européenne. « Cela compliquera la vie des cinquante marchands hors de l’Union européenne, indiquait Konrad Bernheimer (Munich). Il y a un danger à ce que des acteurs importants ne reviennent pas. Ce serait un désastre si nous devions déménager à Bruxelles ou en Suisse pour monter une nouvelle foire. Ce serait aussi un désastre économique pour la ville de Maastricht qui dégage de nombreux revenus grâce au salon. La solution serait de faire de Tefaf un port franc. Ils le font bien aux Pays-Bas pour les salons de fleurs ! » Ben Janssens, président du comité exécutif de Tefaf, se déclare, pour sa part, confiant dans les négociations entamées entre la foire et le ministère néerlandais des Finances.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°344 du 1 avril 2011, avec le titre suivant : Tefaf, une foire en demi-teinte

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