XIXe siècle

Ombre et lumière

En Grande-Bretagne, la photographie victorienne et la peinture préraphaélite ont noué d’étroites relations

Le Journal des Arts

Le 28 mars 2011 - 466 mots

PARIS - L’Enfant Photographie offrant au peintre un pinceau supplémentaire : cette petite épreuve d’Oscar Gustave Rejlander, datée de 1856, résume bien tout l’enjeu de l’irruption de la photographie au milieu du XIXe siècle.

L’invention du daguerréotype en 1839 révolutionne l’imaginaire et réoriente le monde visuel des spectateurs et des artistes. En Grande-Bretagne, ce sont les préraphaélites, cercle d’artistes et d’intellectuels créé en 1848, qui vont, les premiers, s’emparer du médium. Ils sont au cœur de l’exposition « Une ballade d’amour et de mort : photographie préraphaélite en Grande-Bretagne, 1848-1875 » présentée au Musée d’Orsay, à Paris, après la National Gallery de Washington.

Les préraphaélites s’attachent à capter la vérité de la nature, dans les paysages, portraits et œuvres inspirées de la littérature. À l’invitation de John Ruskin, critique d’art et écrivain, ces artistes travaillent sur l’infime, l’anecdote. Ils recherchent la perfection des textures, la vision en gros plan, presque cinématographique. 

Précision obsessionnelle
Dans le domaine du paysage, les motifs rocheux et les feuillages denses retiennent l’attention dans des compositions recherchées, le procédé de tirage à l’albumine permettant une précision des détails jusqu’alors impossible. L’influence de la photographie sur la peinture est flagrante dans la toile de John Everett Millais Un huguenot le jour de la Saint-Barthélemy (1851-1852), où le peintre fait preuve d’une précision quasi obsessionnelle dans la description de la végétation et du mur de briques en arrière-plan. Si la photographie ne dispose pas des moyens de la couleur, elle permet un travail de l’ombre et de la lumière que les artistes vont exploiter : rendre simultanément différents éléments en dépit de leurs sensibilités particulières à la lumière, principal écueil technique auquel les photographes sont confrontés.

Pour les portraits et les figures, la difficulté réside dans le temps de pose, souvent très long, qui nuit au naturel des modèles. La photographe Julia Margaret Cameron parvient cependant à insuffler à ses effigies une modernité étonnante. En comparaison, les toiles de Dante Gabriel Rossetti, ses femmes rousses à la peau diaphane, aux postures étudiées et tourmentées, telle Jane Morris (La robe de soie bleue) (1868), se rapprochent infiniment plus des canons photographiques, au vu des épreuves tirées par John Parsons de la jeune fille sur les indications du peintre. À partir de ces études, Rossetti composera une série d’huiles étonnantes.

Le corpus a été choisi avec soin par la commissaire américaine Diane Waggoner pour l’exposition de Washington. Autour de cet accrochage, certaines des œuvres ajoutées par l’institution parisienne dialoguent avec moins de bonheur. Mais la scénographie, très anglaise avec ses enluminures médiévales, parvient à entraîner le visiteur dans une ballade élégante et cultivée.

UNE BALLADE D’AMOUR ET DE MORT

Commissariat : Diane Waggoner, assistante conservatrice à la National Gallery of Art de Washington ; Françoise Heilbrun, conservatrice en chef au Musée d’Orsay

Nombre d’œuvres : environ 130

UNE BALLADE D’AMOUR ET DE MORT : PHOTOGRAPHIE PRÉRAPHAÉLITE EN GRANDE-BRETAGNE, 1848-1875

Jusqu’au 29 mai, Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion-d’Honneur, 75007 Paris, tél. 01 40 49 48 14, www.musee-orsay.fr, tlj sauf lundi 9h30-18h, jeudi jusqu’à 21h45

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°344 du 1 avril 2011, avec le titre suivant : Ombre et lumière

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