Grand angle - Château de Gourdon

Le chemin de la modernité

La collection du château de Gourdon sera dispersée lors d’une vente marathon de trois jours du 29 au 31 mars n 360 pièces d’Art déco et de l’Union des artistes modernes sont livrées à la vente par Christie’s

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2011 - 742 mots

Christie’s s’apprête à disperser à Paris l’intégralité de la collection de mobilier du château de Gourdon, situé près de Grasse (Alpes-Maritimes). Réuni par le collectionneur Laurent Négro au cours des années 2000, l’ensemble des 360 lots est dominé par les meubles et objets d’art des années 1920. L’occasion de mettre à l’épreuve du marché les créations de l’Union des artistes modernes.

Le contenu entier d’un musée privé, dont l’impressionnante collection était vouée à l’histoire des arts décoratifs français de la première moitié du XXe siècle, sera dispersé les 29, 30 et 31 mars à Paris au Palais de Tokyo, sous le marteau de Christie’s. Dans son château médiéval de Gourdon, près de Grasse (Alpes-Maritimes), le collectionneur Laurent Negro avait accumulé dans les années 2000 environ 900 meubles et objets d’époque, agencés sous la forme de « period rooms », avec un goût prononcé pour le mouvement moderne, porté dès les années 1920 par les fondateurs de l’UAM (Union des artistes modernes) et qui a ouvert la voie au design d’après guerre. Un peu plus de 360 lots ont été retenus pour cette vente historique (1).

Si l’importance de cette collection est reconnue dans l’histoire de l’Art déco, nul ne peut présumer de sa réussite commerciale. La maison de ventes a choisi de rythmer l’événement en organisant trois temps forts sur trois jours. Intitulé « Chefs-d’œuvre du XXe siècle », un premier catalogue réunit une sélection de 78 lots prestigieux, estimés au total 22 à 33 millions d’euros, soit les deux tiers de la vente en valeur. Un deuxième catalogue parcourt la première moitié du XXe siècle, de l’Art nouveau à l’Art déco, tandis qu’un troisième opus donne un coup de projecteur aux créations de l’UAM dont la cote va être ici mise à l’épreuve.

Dans le premier catalogue, les pièces élues l’ont été selon des critères d’intérêt historique, de provenance, d’unicité, d’importance dans l’œuvre de leur créateur… La grande disparité des estimations de ces objets incite à penser que nombre d’entre eux n’ont pas encore atteint leur juste valeur. Il appartiendra au marché de corriger le tir.  

Jourdain sous-estimé
Valeur sûre, le somptueux bureau Tardieu (du nom de son commanditaire André Tardieu, membre du Conseil des ministres entre 1929 et 1932), de 2,66 mètres d’envergure, en laque cellulosique noire et bronze chromé, créé en 1929 par Jacques-Émile Ruhlmann est bien coté, avec une estimation de 2 à 3 millions d’euros. Mais, bien qu’incarnant une étonnante modernité pour l’époque, un paravent à trois feuilles en Duralumin perforé de petits carrés, réalisé par Louis Sognot et Charlotte Alix vers 1931 et provenant de la collection Charlotte Alix, n’est proposé qu’à hauteur de 70 000 euros. Un autre paravent « briques » en bois laqué noir d’une grande pureté fonctionnelle, conçu vers 1923-1925 par Eileen Gray, autre star du marché, est estimé 1 million d’euros au minimum.  À côté de nombreuses pièces de Pierre Chareau figurant au rang de chefs-d’œuvre, on remarquera quelques meubles de Francis Jourdain. Ce créateur peu coté dont l’influence est largement sous-estimée et que le grand public ne connaît pas, est pourtant l’un des pères fondateurs de l’UAM et sans doute le premier des « Modernes », dès les années 1910. Christie’s demande 60 000 euros pour un canapé (vers 1930) provenant de la collection Hélène Henri ; 15 000 euros pour un iconique fauteuil Virgule de 1922, et 20 000 euros pour une paire de plafonniers (vers 1923), en métal et verre dépoli. Le galeriste parisien Denis Doria, qui est aussi l’expert de l’artiste, explique : « Je travaille depuis longtemps à repositionner Jourdain. À l’époque de l’UAM, la vedette c’était lui, pas Chareau ».
Selon le galeriste, « la plupart de [ses] collectionneurs possédant des meubles de Chareau, ont aussi des pièces de Jourdain, lequel est également bien représenté dans les expositions institutionnelles comme au Centre Pompidou ». La vente Gourdon réévaluera-t-elle cet artiste à sa juste mesure ? 

Estimée 200 000 euros, une Locomotive en marche (1931), sculpture unique en aluminium des frères Martel, symbolisant à elle seule toute une époque en termes de modernité, de vitesse et de voyage, est le fruit d’une prouesse technique. Grâce à des soudures et assemblages invisibles, elle semble fondue d’un seul bloc et comme en mouvement. Emmènera-t-elle les collectionneurs sur le chemin de la modernité ?

(1) La seconde partie de cette collection, portant sur plus de 500 objets moins importants ou anonymes, sera livrée aux enchères en juin chez Christie’s.

CHÂTEAU DE GOURDON

Experts : Philippe Garner et Sonja Ganne

Estimation : 32 à 47 millions d’euros

Nombre de lots : 366

LES COLLECTIONS DU CHÂTEAU DE GOURDON, vente les 29, 30 et 31 mars au Palais de Tokyo, 13, av. du Président-Wilson, 75116 Paris ; exposition sur place le 25 mars 14h-20h, le 26 mars 10h-24h, les 27 et 28 mars 10h-20h, tél. 01 40 76 86 23, www.christies.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°343 du 18 mars 2011, avec le titre suivant : Le chemin de la modernité

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