Cabinets privés

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2011 - 1065 mots

Accompagnant la XIIe édition de la Semaine du dessin, une programmation d’expositions de qualité est proposée par les institutions parisiennes, et s’étend à la province.

Programmées en miroir de l’événement majeur et commercial qu’est le Salon du dessin, ces manifestations mettent en avant la richesse des fonds d’une vingtaine d’institutions d’Île-de-France, vus à travers le prisme d’un artiste ou d’une collection spécifique. Exception notable, le Musée des beaux-arts de Caen (Calvados) s’invite cette année parmi les participants, avec une exposition témoignant d’un propos original. Doté d’un fonds important en arts graphiques, le musée normand avait participé à l’été 2010 au festival « Normandie impressionniste » en examinant la manière dont les artistes impressionnistes travaillaient l’estampe. Cette fois, l’institution inaugure une programmation centrée sur le dessin ancien, avec une exposition consacrée à l’Italie du XVIe siècle. Les collections privées françaises ont été sollicitées pour prêter l’ensemble des soixante-dix dessins représentatifs des diverses tendances de la Renaissance et du maniérisme. Une exposition d’autant plus exceptionnelle que la plupart de ces feuilles n’ont jamais été publiées (19 mars-20 juin, mba.caen.fr). 

Visite privée dans le bureau du conservateur
Parmi les quelques artistes auxquels est consacrée une exposition personnelle, le Parmesan est à l’affiche à l’École nationale des beaux-arts, à Paris, avec une vingtaine de feuilles conservées au cabinet des dessins, étoffées par une dizaine d’œuvres provenant de la collection Jean Bonna (jusqu’au 8 mai, ensba.fr). Le département des Arts graphiques du Musée du Louvre a pour sa part vu double : un premier accrochage monographique vient saluer l’œuvre dessiné du premier peintre du roi Louis de Boullogne (1654-1733) ; le second se penche sur l’artiste baroque romain Pietro Da Cortona (1597-1669), avec, en « guest star », son plus fidèle disciple, Ciro Ferri (10 mars-6 juin, louvre.fr).

Les portraits virtuoses réalisés à la pierre noire et à la sanguine par Jean Clouet et son fils François, et issus de la collection du duc d’Aumale, avaient déjà fait l’objet d’une exposition au château de Chantilly (Oise) en 2002. Sur les trois cents feuilles réunies en son temps par Catherine de Médicis, lesquelles constituent l’essentiel du fonds du Musée Condé, une centaine a été sélectionnée pour une présentation qui devrait rester dans les annales (22 mars-27 juin, chateaudechantilly.com). Signalons au passage la parution prochaine d’un superbe ouvrage signé Alexandra Zvereva, répertoriant tous les dessins de Clouet du musée, chez la « Rolls » des éditeurs d’art, Arthena.

Les spécialistes es arts graphiques savent que l’Institut néerlandais, où est sise la Fondation Custodia, est le lieu incontournable pour l’appréciation du dessin à Paris. En fin connaisseur, le directeur de l’institution parisienne a fait son choix parmi les quelque 1 380 dessins de l’école hollandaise et flamande présente dans les collections de la Kunsthalle de Hambourg ; on y retrouve Pieter Bruegel l’Ancien, Hendrick Goltzius, Jacob Van Ruisdael et Rembrandt (24 mars-22 mai, fondationcustodia.fr).  Le Siècle d’or hollandais est également à l’honneur au Petit Palais, dans une version intimiste : le musée propose un gros plan sur les scènes de genre, le long d’un accrochage égrenant au sein des collections permanentes les plus belles feuilles de la collection Dutuit (29 mars-17 juillet, paris.fr). 

Occasion rare, les perles rassemblées par les collectionneurs privés seront accessibles dans plusieurs institutions dans le cadre de visites privées ; le Centre Pompidou propose une visite commentée par l’équipe de conservation de l’ensemble de dessins du XXe siècle offert par Robert Le Masle en 1974 (le 29 mars à 10 h 30, centrepompidou.fr) ; tandis que le Musée Jacquemart-André invite les visiteurs à admirer le fonds Philippe de Chennevières dans le bureau du conservateur (le 30 mars à 15 h 30, musee-jacquemart-andre.com).

Dans un autre registre, quelques expositions viennent rappeler le recours au dessin en tant qu’outil théorique, préparatoire, ou encore scientifique. Ainsi, dans le domaine de l’architecture, les visions illuminées d’Étienne-Louis Boullée sont à découvrir lors d’une visite privée à la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu (le 2 avril à 10 heures et 11 h 15, bnf.fr). Dans la section des arts de la table, une trentaine d’esquisses et d’études sont présentées aux côtés des modèles achevés à la Cité de la céramique de Sèvres (21 mars-31 mars, sevresciteceramique.fr). Côté vitrail, une quarantaine de feuilles préparatoires des maîtres verriers du XIXe siècle, Prosper Lafaye et Gaspard Gsell, sont à voir au Musée Carnavalet (29 mars-12 juin, paris.fr). Et pour les passionnés de mycologie, une visite privée est organisée au Cabinet d’histoire du Jardin des plantes, à l’occasion de la publication par le Muséum national d’histoire naturelle de l’ouvrage Les Dessins de champignons de Claude Aubriet (le 1er avril à 14 heures, mnhn.fr). 

Enfin, sur un plan plus technique, le Musée des Arts décoratifs se penche sur les marques de collection qui viennent estampiller les feuilles, l’occasion de mener une réflexion au sens large sur l’art de la collection (le 30 mars à 11 heures, lesartsdecoratifs.fr), tandis que le Musée Eugène-Delacroix se concentre sur le cachet d’atelier de l’artiste et ses imitations (le 1er avril à 10 heures, musee-delacroix.fr).

Rouen invité d’honneur

Si les institutions parisiennes participent depuis longtemps à la Semaine du dessin en proposant une programmation parallèle, la Société du Salon innove cette année en invitant le Musée des beaux-arts de Rouen dans l’antre du Palais Brongniart, à Paris. La sélection du cabinet des arts graphiques du musée normand, représentant une quarantaine de feuilles en tout, balaie plusieurs siècles et écoles : l’Italie maniériste (le Parmesan), les heures chaudes de Montparnasse (Modigliani), le tournant du XVIIe siècle en Hollande (Bloemaert) et en France (Bellange, Vouet), le XVIIIe frivole (Watteau), ou encore les audaces du XIXe (Géricault, Moreau). Derrière cette inscription du monde institutionnel au cœur du secteur marchand, le message est loin d’être subliminal : cette prestigieuse collection publique n’existerait pas sans collectionneurs privés. Un hommage est donc rendu en filigrane aux hommes de goût qu’étaient le peintre Gabriel Lemonnier (premier acquéreur des œuvres majeures de Vouet et de Watteau de Rouen), l’historien de l’art et marchand Henri Baderou (dont l’importante donation en 1975 comprenait 5 000 dessins) et le docteur et mécène Paul Alexandre (dont le fils Blaise fut le généreux donateur de 37 dessins de Modigliani en 2001).

« Présentation exceptionnelle des dessins du Musée des beaux-arts de Rouen », Palais Brongniart, place de la Bourse, 75002 Paris. Du 30 mars au 4 avril, 12h-20h30, 12h-20h le lundi 4 avril, 12h-22h le jeudi 31 mars.

Programme complet : www.salondudessin.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°343 du 18 mars 2011, avec le titre suivant : Cabinets privés

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