Voyage

Égypte de papier

La BNF dévoile le fonds Prisse d’Avennes, un égyptologue hors norme

Par Julie Portier · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2011 - 444 mots

PARIS - « Je reviens avec des calques soignés des plus belles peintures – des estampages de bas-relief –, des coupes, des élévations soigneusement cotées et la plupart inédites grâce aux nouvelles fouilles du vice-roi – enfin des photographies de tout ce qui était photographiable. […] Sans vantardise, j’ai recueilli de quoi faire le plus bel ouvrage qui ait encore été publié sur l’Égypte », écrit Émile Prisse d’Avennes à un ami, lors de son deuxième séjour en Égypte.

C’est avec cette passion boulimique doublée d’une rigueur scientifique que cet ingénieur des arts et métiers remonte le Nil à partir de 1836, en s’improvisant archéologue mais aussi ethnologue et, sans conteste, artiste.

Outre une quantité astronomique de documents, il rapporte à la Bibliothèque royale ce qui compte parmi les plus belles pièces égyptologiques françaises : la « Chambre des ancêtres de Thoutmosis III (désormais conservée au Louvre), monument extrait du temple de Karnak et sauvé de la destruction, et le Papyrus Prisse, l’un des plus anciens manuscrits en écriture hiératique. Pour l’exposition « Visions d’Égypte », présentée à la BNF, ce dernier a fait l’objet d’une nouvelle traduction qui est donnée à entendre au visiteur par un dispositif sonore. 

Œuvre d’artiste
Dans l’étroite galerie Mansart, les (nombreuses) commissaires signent une exposition aussi savante que didactique. Le parcours dessiné avec goût met en regard les « deux Égyptes », celle des pharaons et celle des Égyptiens du XIXe siècle. Elles fascinèrent également l’égyptologue hors norme qui connaissait parfaitement ce pays, y portait le costume traditionnel arabe et s’y faisait appeler « Edris-Effendi ». Parfois, le couloir temporel se resserre, comme dans cette proximité des estampages réalisés sur les bas-reliefs des tombeaux d’un côté, et sur les stucs des mosquées de l’autre. Ici Nefertiti regarde les décors d’arabesques, et l’épaisseur d’une culture se révèle dans l’empreinte sur papier de deux mondes disparus.

Aussi judicieux apparaît le parti pris de rassembler les documents selon leur nature, reprenant la manière dont ils avaient été classés en vue du livre, point d’arrivée de l’exposition. Ce cheminement qui nous est proposé depuis les calques coloriés jusqu’aux photographies, en passant par les délicates aquarelles, rend compte des qualités documentaires spécifiques à chaque technique qui compose la palette de Prisse d’Avennes. Mais il attire aussi l’attention sur chacune de ces pièces d’archives, traitées avec une telle minutie et dextérité qu’elles pourraient se contempler comme l’œuvre d’un artiste.

VISIONS D’ÉGYPTE

Commissaires : Sylvie Aubenas, Marie-Laure Prévost et Marie-Claire Saint-Germier, conservatrices à la BNF ; Élisabeth Delange, conservatrice au Louvre

Nombre d’œuvres : 200 En parallèle de l’exposition : « La Chambre des ancêtres de Thoutmosis III », Musée duLouvre, aile Sully, rez-de-chaussée, salle 12

VISIONS D’ÉGYPTE : ÉMILE PRISSE D’AVENNES

Jusqu’au 5 juin, Bibliothèque nationale de France (BNF), site Richelieu, 5, rue Vivienne, 75002 Paris, tél. 01 53 79 49 49, du mardi au samedi 10h-19h, le dimanche 12h-19h. Catalogue, 160 p., 29 euros, ISBN 978-2-7177-2484-4

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°343 du 18 mars 2011, avec le titre suivant : Égypte de papier

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