Dialogue

Paris-Berlin

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 février 2011 - 497 mots

La troisième édition de l’opération est marquée par de beaux moments en dépit d’une incertitude sur la poursuite de l’initiative.

BERLIN - Pour qu’un échange fonctionne, il faut de la complicité et de l’assiduité. Une alchimie qu’avait su créer le programme d’échanges de galeries dénommé « Berlin-Paris », lancé avec brio en 2009 par l’ambassade de France à Berlin. Malgré un léger essoufflement, la troisième édition organisée en janvier [les 14-15 à Berlin, 28-29 à Paris] a donné lieu à quelques beaux croisements. Chez Konrad Fischer (Berlin), qui accueillait Nelson-Freeman (Paris), l’objectif photographique de Marie José Burki s’attardait sur des petits riens : un trou dans un collant, la trace d’une socquette sur un mollet dénudé, les attributs de jeunes gens dont on ne voit jamais le visage entier. L’idée du corps volatilisé animait le dialogue orchestré entre Patrick Tosani et Gary Hill, deux artistes d’In Situ-Fabienne Leclerc (Paris) présentés chez Barbara Thumm (Berlin). L’association entre Carlier-Gebauer (Berlin) et Romain Torri (Paris) fonctionnait à merveille. D’une part parce que l’exposition de Michel François que la galerie berlinoise n’avait pas décrochée était magnifique. Mais aussi parce que les incises de Romain Torri ont fait mouche, à l’instar de cette vidéo de Braco Dimitrijevic où l’artiste filmé de face explique le rôle de l’art. L’image est peu à peu dévorée par des bandes d’informations économiques déroulées à la manière du site de Bloomberg. « Berlin-Paris » veut précisément renouer avec l’art, le feedback commercial étant souvent inexistant.

Œuvres immatérielles 
Chez Isabella Bortolozzi (Berlin), qui accueillait Natalie Seroussi (Paris), le visiteur était attiré certes par la beauté des plâtres d’Hans Arp, mais surtout par les voix provenant du fond de la galerie, où se trouvait un collage de poèmes sonores et de sentences dada. Cette immatérialité irréductible à l’argent forme le nœud de l’échange puisque, en retour, Isabella Bortolozzi présente l’artiste sonore Susan Philipsz à Paris. La palme du partenariat revient à Mehdi Chouakri (Berlin) associé à la Galerie 1900-2000 (Paris), lesquels ont accroché des œuvres d’art moderne sur des wall paintings contemporains. Le toucher douillet d’un mur de fourrure de Sylvie Fleury tranchait avec le caractère minéral des tableaux de Jean Dubuffet. De même, l’aspect organique des méduses de John M. Armleder était contredit par la géométrie des dessins de Picabia. Cette troisième édition avait toutefois des allures de baroud d’honneur. Les grosses pointures berlinoises comme Esther Schipper ou neugerriemschneider n’y ont pas participé, les groupes de collectionneurs français ont déclaré forfait, et les gros collectionneurs allemands étaient absents de la réception donnée par l’ambassade de France, contrairement à l’an dernier. Du côté germanique, l’ambassade d’Allemagne à Paris a continué à bouder l’opération. Le départ de l’ambassadeur de France Bernard de Montferrand prévu à la fin du mois de janvier, et celui cet été de Cédric Aurelle, directeur du Bureau des arts plastiques, pourraient signer la fin d’une belle aventure. À moins que l’équipe suivante ait la clairvoyance de rebattre les cartes pour faire évoluer cette précieuse complicité franco-allemande.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Paris-Berlin

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