Patrimoine

Polémique

Hôtel de la Marine : l’État tempère

Malgré la nomination d’une commission d’experts, le sort de l’hôtel de la Marine n’est pas encore tranché

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 1 février 2011 - 589 mots

Nicolas Sarkozy a annoncé la nomination d’un conseil d’experts dans l’affaire de l’attribution de l’hôtel de la Marine. L’État joue dorénavant la transparence. Nous avons pu visiter les lieux, dont les trésors patrimoniaux confortent la pertinence d’y installer la Maison de l’histoire de France.

PARIS  - Il y avait une fenêtre de tir et le gouvernement l’a saisie. Le 19 janvier, lors des ses vœux au « monde de la connaissance et de la culture », Nicolas Sarkozy a donné un gage aux adversaires du projet de location de longue durée de l’hôtel de la Marine, à Paris. « Je pense que la meilleure façon de clore toutes les polémiques, a annoncé le président de la République, c’est qu’avec Frédéric Mitterrand nous mettions en place une commission composée de gens indépendants pour voir quelle est la meilleure utilisation de l’hôtel de la Marine. »  Après des mois d’une opacité suspecte, des signes ont par ailleurs été adressés à la presse, désormais autorisée à visiter le bâtiment et à consulter les éléments techniques du dossier, jusque-là réservés à des candidats à la reprise dûment patentés. Parmi ces documents figurent l’étude détaillée de l’architecte en chef des Monuments historiques et l’avis du 3 mai 2010 rendu par la Commission supérieure des monuments historiques. Or cette dernière s’aligne dans sa communication sur la manière dont a été géré le dossier. La longue discussion s’est limitée à saluer la qualité de l’étude historique d’Étienne Poncelet, sans jamais se prononcer sur l’essentiel – faut-il ou non autoriser la location du bâtiment ? La question des « arbitrages politiques » a été évoquée à plusieurs reprises. Alexandre Allard, principal candidat à la reprise, a par ailleurs récemment confessé publiquement avoir travaillé depuis plus de deux ans et demi à ce projet. Soit avant même que la décision de louer l’hôtel ne soit révélée, en février 2009, par le site Latribunedelart.com

Histoire de France
La visite de l’hôtel de la Marine suffit pourtant à se convaincre de son importance patrimoniale. S’ils ne représentent qu’un millier de mètres carrés, les grands salons d’apparat combinent un ensemble magistral de grands décors classiques avec boiseries dorées et de pièces de mobilier précieux, le tout ouvrant sur une loggia qui constitue un grand morceau d’architecture. Presque tous ses salons conservent par ailleurs la mémoire d’un épisode de l’histoire de France, donnant ainsi un sérieux crédit aux partisans d’une installation en ces lieux de la Maison de l’histoire de France. De plus, l’ensemble révèle son extrême fragilité. Comment être certain, dans le cadre d’une utilisation privée, que les parquets précieux du XVIIe siècle ou le décor unique de glaces peintes du petit cabinet de Mme de Ville d’Avray (remonté en 1997 après un séjour au château de Fontainebleau où il décorait la salle de bains de Louis-Philippe) seront préservés des dégradations ? D’après France Domaine, des sanctions pécuniaires sont prévues en cas de dommages, mais elles ne pourront intervenir qu’a posteriori. Dans les faits, ce sont les milliers de mètres carrés restants, aménagés en un dédale de bureaux, qui incitent aujourd’hui l’État à vouloir se débarrasser du site. Or l’étude d’Étienne Poncelet a souligné l’intérêt patrimonial d’éléments plus inattendus, parmi lesquels le centre opérationnel de la Marine ou le bunker construit par les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale. La date limite de dépôt des candidatures a été repoussée au 7 février, officiellement pour faire face à l’afflux des demandes de visite. L’attributaire final devrait être désigné en septembre 2011, pour un immeuble qui ne sera libéré qu’en 2014.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Hôtel de la Marine : l’État tempère

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque